Hubert Laot et la présence culturelle du Vietnam à Paris

(VOVworld) - La présence culturelle du Vietnam à Paris s’est particulièrement affirmée au cours de la dernière décennie. C’est Hubert Laot, directeur artistique de l’auditorium du musée Guimet, qui est à l’origine de ce coup de projecteur sur notre pays. Ancien chef du service de la formation du Louvre, il est arrivé au musée Guimet, guidé par une véritable dilection pour les arts asiatiques.

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Hubert Laot. Photo : Nguyen Vinh Nguyen

Hubert Laot : Ça fait 15 ans que je suis là, puisque, vous le savez peut-être, le musée a été en rénovation pendant les années 90, à l’instigation de Jean-François Jarrige, son directeur. Et quand le musée a réouvert en 2001, la salle de spectacle du musée Guimet qui existe depuis 1889 a réouvert aussi, avec une nouvelle configuration. Et comme il n’y a jamais eu d’équipe pour gérer cette salle, pour programmer, on a nommé un directeur artistique pour mettre en place toute la programmation.

VOVworld : Comment s’effectue la programmation ?

Hubert Laot : De manière générale, la programmation est liée déjà aux collections permanentes du musée. Sachant que les collections du musée Guimet aujourd’hui vont de l’Afghanistan jusqu’au Japon. Donc ça couvre tous ces pays qui sont situés dans cette zone géographique. Normalement je ne vais pas programmer un spectacle turc, même si la Turquie est en Asie, parce que tout ce qui est de Proche-Orient, de Moyen-Orient, des collections d’art… sont au musée du Louvre, pas au musée Guimet. Donc qu’il y a un partage.

VOVworld : Quelles sont vos méthodes de programmation ?

Hubert Laot : Alors effectivement je fais venir les artistes d’un peu tous les pays, le Vietnam en fait partie. Sachant qu’on a beaucoup de propositions qui viennent des pays comme l’Inde, la Chine ou le Japon. C’est beaucoup plus difficile avec celles qui viennent du Vietnam, de la Birmanie ou du Laos, parce les moyens financiers ne sont pas tout à fait les mêmes, et puis ces artistes ont moins d’habitude de tourner à l’international. Donc en ce qui concerne les programmations de musique ou de danse ou de théâtre vietnamiens, on a commencé par travailler avec les artistes qui étaient sur place, les artistes de la diaspora vietnamienne en France, et on a travaillé avec des ethno-musicologues comme Tran Quang Hai qui est le fils de Tran Van Khe, et puis on a travaillé très rapidement avec Huong Thanh, puisque Huong Thanh est une chanteuse qui vit maintenant en France et aussi la fille de Huu Phuoc, le grand maître du cai luong et qui a énormément de contacts, non seulement avec les musiciens du Sud mais aussi avec les musiciens du Nord, ce qui nous a permis de montrer plusieurs spectacles différents, notamment montrer du cai luong en France, ce que personne n’avait jamais vu, sur scène. On a aussi fait venir des artistes qui venaient à la fois du Sud et du Nord et on les a fait jouer ensemble sur scène, ce qui ne se voit pas beaucoup au Vietnam. Donc on essaie par le biais de tous ces réseaux de faire venir de plus en plus de gens ici. 

VOVworld : Pourquoi le Vietnam ?

Hubert Laot : Le Vietnam, c’est extrêmement important parce que les collections d’art du musée Guimet se sont construites au tout début par les collections qu’Emile Guimet a rapportées, mais très rapidement ce sont surtout les collections d’Asie du Sud-Est qui ont constitué le fond du musée Guimet. Il y a plein d’acteurs, d’explorateurs et d’archéologues qui ont finalement donnée leurs collections au musée Guimet. Donc l’art khmer et l’art vietnamien, toutes ces régions-là ont été très vite présentées au musée Guimet, d’ailleurs, tout le rez-de-chaussé du musée Guimet est rempli de statuaires d’Asie du Sud-Est. A partir de là effectivement, il y a toute la relation historique entre le Vietnam et la France, il y a une communauté importante de Vietnamiens en France, environ 300 et 400 mille Vietnamiens, et c’est vrai qu’on avait vraiment envie de travailler là-dessus, parce qu’ils vivent un peu renfermés sur eux-mêmes en France. S’ouvrir à ce monde-là et les faire venir au musée Guimet, c’était extrêmement important pour nous de recréer ce lien.

VOVworld : Parmi les manifestations sur l’art vietnamien que vous avez réalisées, de laquelle êtes-vous le plus fier ?

Hubert Laot : Sans doute les deux spectacles dont j’ai parlé tout à l’heure. C’étaient le spectacle de cai luong qui était un art qui n’était absolument pas montré en France, et cette rencontre entre musiciens du Nord et du Sud sur une même scène. C’était extrêmement important. Le dernier spectacle qu’on a monté avec Huong Thanh était aussi important pour moi, parce que je me suis rendu compte que dans toutes traditions des pays d’Asie, on trouvait les mêmes thèmes, les mêmes genres, les mêmes folklores, et donc on a fait jouer un ensemble de musiciens vietnamiens, dont Huong Thanh, sur scène, avec une danseuse iranienne, une danseuse suisse, un joueur de robab afghan qui est japonais et qui joue aussi du tabla indien. On a mélangé tous ces gens-là et c’était fantastique, parce que les musiques s’enrichissent et les histoires sont les mêmes et on s’est rendu compte que ça marche complètement en termes de fusion.

VOVworld : Comment le public a-t-il réagi à ces manifestations ?

Hubert Laot : Ça a été d’énormes succès chaque fois. On a eu très peur parce que le public français ne connaît pas les arts du Vietnam, le public vietnamien ne sort pas de son petit monde et le bouche à oreille a fait que c’était plein à craquer à chaque fois. 

VOVworld : Notez-vous des différences entre l’art vietnamien et celui des autres pays asiatiques ?

Hubert Laot : Oui effectivement sur les arts de la scène. En tout cas, ce que j’ai remarqué, c’est que les arts de la scène sont comme en Asie, le théâtre est chanté, le musical est chanté et beaucoup moins dansé. On voit beaucoup moins de danse. Je sais qu’il y a des types d’arts scéniques, notamment au centre du Vietnam qui sont dansés, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de les voir. J’espère d’ailleurs faire venir les artistes du Centre parce qu’on a touché les artistes du Nord et du Sud, donc maintenant c’est le Centre qu’on veut toucher (rires).

VOVworld : Vous devez donc avoir une envie de montrer un Vietnam différent de celui des clichés qu’entretiennent les Français ou les Occidentaux ?

Hubert Laot : Evidemment le Vietnam qu’on voit, c’est un Vietnam de cliché, un Vietnam de l’époque coloniale ou un Vietnam de la guerre. Le Vietnam d’aujourd’hui, les Français ne le connaissent absolument pas sauf les touristes qui viennent, mais il ne voit le Vietnam que d’une manière superficielle. Il ne voit pas le Vietnam de l’intérieur alors que les Vietnamiens sont des gens extrêmement accueillants et effectivement quand on est chez les Vietnamiens, on découvrira un autre Vietnam.

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