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Direction Phù Luu, un village de la province de Bac Ninh (Nord), qui est rattaché
à la cité municipale de Tu Son, et dont les habitants - commerçants nés s’il en
est - ont l’heureuse particularité de vendre tout ce qui peut se vendre, quand
ce ne sont pas des intellectuels ou des artistes de renom.
Des traces d’une
activité commerciale intense, on en trouve dès le 15ème siècle, en ce qui
concerne Phù Luu, avec notamment un marché, le marché Giàu qui était déjà l’un
des plus importants du pays et qui allait connaître son apogée à la fin du
19ème siècle. Faut-il le préciser, les habitants de Phù Luu ont la fibre
marchande comme d’autres ont la fibre artistique. Madame Sâm, qui fait partie
des séniors du village:
« Autrefois,
la cour de la maison communale était occupée par les marchands de bétel, de
noix d’arec, de tissus et d’épices… Un peu plus loin, on pouvait trouver des
buffles, des bœufs, de la viande, du poisson, des outils agricoles, des tissus,
de la soie… Plein de choses, quoi ! Maintenant, par contre, le marché est
en dehors du village. »
De tout temps,
Phù Luu aura été comme un grand marché à ciel ouvert. Ses habitants, mais
peut-être plus encore ses habitantes, ont toujours su se montrer habiles au
négoce sans que cela n’entame en rien leur capital de féminité :
redoutables en affaires, elles savent être douces comme des agnelles lorsque
les circonstances l’exigent… Nguyên Dinh Phuc, un villageois :
« A Phù Luu, il
y a essentiellement des commerçants, très peu d’agriculteurs. Je me rappelle
d’ailleurs qu’autrefois, beaucoup de villageois, qui étaient fatalement des
voyageurs de commerce, devaient confier leurs propres enfants à un tiers pour
pouvoir mener leurs affaires. A une certaine époque, Phù Luu était d’ailleurs le
village du Nord qui comptait le plus d’enfants adoptés de ce genre. »
Evidemment… Les
affaires sont les affaires, mais qu’on se rassure, l’instinct maternel reprend
le dessus, en général. Témoins, toutes ces femmes de Phù Luu qui mènent de
front une existence de commerçante et de mère au foyer. Et puis nombreux sont
les natifs du village qui se sont distingués par leur savoir et qui ont ainsi
réussi leur ascension sociale. Les peintres Hoàng Tich Chù et Thành Chuong, les
écrivains Kim Lân et Nguyên Dich Dung, le poète Hoàng Hung, le cinéaste Nguyên
Dang Bay, le compositeur Hô Bac… Autant de gloires nationales dont le village
peut ainsi se targuer d’avoir été le berceau.
Aujourd’hui, Phù
Luu a su conserver tout son charme, avec ses chemins dallés, sa maison
communale, son banian séculaire, sa pagode, la pagode Phap Quang… Nguyên Trong Vu, un autre villageois :
« Notre
village abrite des vestiges historiques de niveau provincial et national :
la maison communale, bien sûr, mais aussi la pagode et le temple… Actuellement,
il y a à peu près 4.000 habitants, des commerçants, pour la plupart. Il y a
bien quelques menuisiers, quelques traiteurs qui font des repas de mariage,
mais bon… Non, ici, c’est vraiment le commerce qui nous fait vivre. D’ailleurs,
regardez, toutes ces boutiques de luxe que vous voyez au bord de la route, eh
bien elles sont toutes tenues par des gens d’ici. »
Dans beaucoup de
villages, les portes d’entrée ont été purement et simplement détruites,
victimes expiatoires d’une modernité à marche
forcée qui a parfois des allures de rouleau compresseur… Pas à Phù Luu, où la porte a été restaurée
et où surtout, les sentences parallèles qui y figurent ont été remises à
l’honneur. Et que nous disent-elles, ces fameuses sentences ? Que les
mœurs et coutumes du village doivent être préservés, coûte que coûte, et qu’un
client doit être traité comme un proche… Tout un programme…
« Quand on
veut rester maître chez soi, on n’ouvre pas un commerce », prétendait
Jean-Paul Fugère, un réalisateur québécois… En voilà un qui n’a certainement
jamais mis les pieds à Phù Luu…