Lê Quý : le premier journaliste de l’information pour l’étranger

(VOVworld) - Premier directeur du Département des émissions internationales de la Voix du Vietnam, premier rédacteur en chef de la Télévision du Vietnam, vice-président du Comité de radio-télévision du Vietnam, Lê Quý a aussi été l’un des premiers journalistes à travailler dans le domaine de l’information pour l’étranger : une expérience qui l’a profondément marqué, lui laissant de très nombreux souvenirs.      

Lê Quý est né et a grandi à Huế. Quand la Révolution d’Août 1945 a éclaté, il faisait ses études au lycée national de Hue (Quốc học Huế), que d’autres futures personnalités vietnamiennes telles que Xuân Diệu et Huy Cận ont également fréquenté. A l’époque, les mouvements d’élèves ou d’étudiants étaient en plein essor. Lê Quý s’est enrôlé à la commission d’information et de liaison de l’Armée de libération. Sa mission consistait alors à véhiculer les notes officielles et les informations depuis le poste de Mang Cá jusqu’à celui de Khe Sanh ou de Sépone, au Laos. C’est ainsi qu’est née sa vocation de journaliste.

Après la Révolution d’Août, en avril 1946, Trần Văn Chương (alias Billy Chương), qui était un excellent anglophone, a fait venir Lê Quý à Hanoi pour l’introduire à la Voix du Vietnam. Lê Quý, qui était pour sa part un excellent francophone, ne parlait pas d’anglais. Trần Văn Chương s’est donc chargé de l’initier aux rudiments de la langue de Shakespeare.   


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Lê Quý (premier plan)



« A l’époque, je ne connaissais pas grand-chose de la révolution et de l’information pour l’étranger, mais j’étais très enthousiaste à l’idée de pouvoir travailler à la radio. Il n’y avait que des jeunes à la radio. Le chef, Trần Lâm, n’était qu’un étudiant. Bùi Xuân Hoàn travaillait pour l’émission en français, Trần Sinh assumait à la fois des émissions en mandarin et en cantonais. Billy Chương et moi, nous faisions à la fois des émissions en anglais et en français... Tout le monde était enthousiaste. Même si on manquait de tout, on a réussi à accomplir notre mission ! », se souvient Lê Quý.

« Tout combat est difficile. Le nôtre est sur les ondes, mais il n’est pas moins acharné », dit Lê Quý en ajoutant « A l’époque, notre mission était de tenir informés les amis internationaux de manière complète et exacte de la politique de résistance du Parti et de l’Etat. Nous devions également véhiculer la politique d’union nationale du président Ho Chi Minh auprès de la diaspora vietnamienne à l’étranger. Nous rédigions des commentaires à chaud pour réfuter les arguments des ennemis qui falsifiaient la nature de la résistance du peuple vietnamien... »

Durant la résistance anti-française, le siège de la Voix du Vietnam a été évacué dans les maquis du Việt Bắc. En neuf ans, la radio a dû changer de place une bonne dizaine de fois. Il n’y avait pas de studios, les sources d’information manquaient cruellement… mais pas les initiatives. Les journalistes écoutaient alors les émissions radiophoniques de l’ennemi pour en reprendre des informations dans leurs commentaires.

C’est ce contexte difficile qui a révélé des commentateurs perspicaces tels que Trần Lân, Trần Kim Xuyên, Trần Văn Chương, puis plus tard Trần Văn Giàu, Hoài Thanh, Trần Kim Xuyến, Nguyễn Khánh Toàn, Trần Công Tường, Nguyễn Tư Huyên... Leurs commenaires étaient tout de suite traduits et diffusés en langues étrangères (à l’époque, la Voix du Vietnam diffusait ses émissions internationales en anglais, en français, en mandarin, en cantonais, en laotien et en khmer). Trần Công Tường et Trần Văn Chương écrivaient leurs commentaires directement en anglais et en français. Certains de leurs commentaires ont d’ailleurs beaucoup énervé les Français à Hanoi et en France même...

Pour Lê Quý, le succès de l’information pour l’étranger à l’époque a été possible bien sûr grâce aux efforts des journalistes de la Voix du Vietnam, mais aussi grâce à l’attention constante des dirigeants, à commencer par le président Ho Chi Minh lui-même. Il se souvient : « L’Oncle Ho connaissait bien les effets de l’information pour l’étranger. Malgré les conditions difficile de la résistance, il écoutait la radio tous les jours. S’il constatait que quelque chose n’allait pas, il écrivait ses remarques en rouge sur un papier puis l’envoyait à la radio. »

Toujours à propos de l’attention accordée par le président Ho Chi Minh à l’information pour l’étranger, Lê Quý nous livre d’autres souvenirs : « En 1946-1947, certaines localités en France étaient frappées par des inondations importantes. Les radios françaises évoquaient de lourdes pertes matérielles et même une disette dans quelques endroits. Nous avons tout de suite donné cette information en insinuant que c’était le sort réservé aux agresseurs. Le lendemain, nous avons reçu un papier signé de l’Oncle Ho. “Ce n’est pas une bonne manière d’informer. C’est l’armée française qui agresse notre pays, et non pas le peuple français. Nous devrions donc exprimer notre sympathie envers la population sinistrée au lieu d’exprimer notre joie”, écrit-il ». Cette leçon a accompagné Lê Quý durant toutes ses années passées dans le domaine de l’information pour l’étranger.

De retour à Hanoi en 1954, la Voix du Vietnam a changé son service des émissions en langues étrangères en Département des émissions internationales en en confiant la direction à Lê Quý. Le pays étant en résistance anti-américaine, Lê Quý et les journalistes de son département produisaient des émissions qui faisaient peur aux ennemis.

« Nous avons pu le faire grâce à un suivi continu de la part de nos supérieurs. À l’époque, notre radio diffusait des émissions en 12 langues. Mais le personnel manquait. Plusieurs services ont dû évacuer de Hanoi... Il fallait beaucoup d’initiatives pour pouvoir mener à bien le travail d’information pour l’étranger. Quand les bombardements américains faisaient vibrer les vitres des studios où nous présentions nos informations, nous adoptions une voix plus énergique pour montrer notre détermination et envoyer ainsi un message clair au monde entier. », nous dit-il.   

Parmi les émissions de l’époque, une en anglais était destinée aux soldats américains en poste à Saigon, mais aussi aux Etats-Unis (grâce à un émetteur cubain à La Havane). La speakerine Trịnh Thị Ngọ, avec sa voix de velours, a à la fois envoûté et effrayé les soldats américains, ce qui lui a valu le surnom de « sorcière Hana ».

« À présent, avec du recul, je sais qu’il faut comprendre ses ennemis pour pouvoir les combattre. Si nous voulions qu’ils acceptent nos informations, nous devions comprendre leur mentalité. Dans les conditions difficiles de la guerre, les journalistes devaient se débrouiller pour en arriver là. Parfois, une toute petite brève diffusée par leur radio nous permettait de faire de nombreuses déductions. C’est le contexte qui nous a donné cette créativité », se souvient Lê Quý.

Il y a quelques années, quand j’ai eu l’occasion de le rencontrer, Le Quy était toujours aussi prompt à répondre quand on demandait son avis sur l’information pour l’étranger : « Chaque époque a ses exigences, mais les journalistes doivent toujours connaître beaucoup de langues. Pas une, mais plusieurs. Ce n’est que quand on peut parler une langue étrangère aussi bien que le vietnamien que l’on peut écrire des bulletins d’information dignes de ce nom. Mais il faut aussi bien comprendre notre public cible pour pouvoir répondre à ses exigences, ce qui veut dire que les journalistes doivent être à même de saisir les particularités de tel ou tel pays. »     

Lê Quý vit à présent à Ho Chi Minh-ville. Bien qu’il soit à la retraite depuis longtemps, il fait toujours l’évaluation des publications en langues étrangères qui sont diffusées au Vietnam. Cela lui permet aussi de mieux s’informer et de perfectionner son niveau de langue étrangère.

Aujourd’hui presque nonagénaire, Lê Quý garde toujours une véritable passion pour le journalisme et un attachement indéfectible à notre radio. « La Voix du Vietnam est ma deuxième maison et les journalistes du Département des émissions internationales, mes frères », nous dit.il./.                                                            

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