(VOVworld) - «Voulez-vous participer à la création de mon œuvre?», dit un auteur à ses lecteurs potentiels. Si ces derniers l’aiment et trouvent son projet prometteur, ils lui apportent une contribution financière. La somme ainsi collectée permettra à l’auteur de réaliser son travail et donnera aux lecteurs la satisfaction d’avoir participé à la naissance d’une œuvre. Voilà la théorie du «financement participatif» qui marche de mieux en mieux au Vietnam, en tout cas dans le domaine de l’édition.

2014, c’est l’année de la sortie du premier tome de la série de bande dessinée «Long Thần Tướng» (général Dragon, en français), la première à avoir été financée entièrement par les lecteurs. Le groupe de jeunes auteurs Phong Dương Comic avait alors réussi à mobiliser plus de 300 millions de dongs pour le premier tome, plus de 200 millions de dongs pour le second. Juste avant la sortie du troisième tome, prévu en avril prochain, une bonne nouvelle est arrivée: le premier tome a obtenu le prix d’argent du International Manga Award 9, l’un des concours de BD les plus prestigieux du monde, tenu début mars. Le dessinateur Nguyen Thanh Phong, membre du groupe Phong Dương Comic:

« Nous avons opté pour le financement participatif parce que nous ne souhaitions plus dépendre des vieilles méthodes d’édition. Le financement participatif est un moyen de nous rapprocher des lecteurs, lesquels peuvent aider l’auteur à réaliser une œuvre qui a toutes les chances de leur plaire. »

Le succès de «Général Dragon» a profondément marqué le paysage de l’édition vietnamienne qui se résumait jusque-là à la méthode traditionnelle, laquelle consiste à vendre les livres avant de récolter de l’argent. Après cette BD, une série de livres ont pu être publiés grâce au financement participatif: le livre photo «Humans of Hanoi-Entrée dans nos mondes respectifs», le roman «Thành Kỳ Ý», la BD «Le chat piégé» ou encore un vade-mecum pour l’éducation familiale.

Tout récemment, début 2016, un groupe de jeunes a lancé une cotisation pour numériser d’anciens motifs décoratifs vietnamiens. Ces jeunes proposent de mettre à disposition du grand public les résultats de leur travail qui pourront être appliqués aussi bien à la peinture qu’à l’architecture ou au dessin industriel. Après avoir récolté 35 millions de dongs, ils ont commencé à collectionner et à numériser les motifs décoratifs de la dynastie des Nguyên. Lorsqu’ils auront 50 millions de dongs, ils s’attaqueront aux motifs de la dynastie des Lê. Cù Minh Khôi, membre du groupe:

« Nous devons nous-mêmes être parfaitement conscients de ce que nous pourrons faire pour convaincre les contributeurs. D’une part, il faut leur prouver l’utilité du projet et d’autre part, nous devons nous y consacrer entièrement pour gagner leur confiance. »

«Général Dragon» et «Motifs décoratifs du Dai Viet» (Dai Viet étant l’ancien nom du Vietnam) sont des œuvres de jeunes passionnés de culture traditionnelle. C’est la société de BD Comicola qui les a aidés à organiser le financement participatif. Nguyen Khanh Duong, l’un des co-fondateurs de la société:

« Les Vietnamiens en général soutiennent les projets de leurs compatriotes. Pour Général Dragon, nous avons même reçu des contributions de Vietnamiens résidant à l’étranger qui nous ont transféré de l’argent en nous écrivant dans leur email «Ne nous renvoyez rien. Bon courage!». Ces messages nous motivent énormément. »

Outre «Général Dragon» et «Motifs décoratifs du Dai Viet», la société Comicola a encore aidé au financement et à la publication d’une bonne dizaine de BD, sans compter un certain nombre de CD de musique et de sensibilisation aux questions sociales.

Le financement participatif devient donc une manifestation vivante du sens de la responsabilité sociale des lecteurs qui sont prêts à investir dans la création d’œuvres qu’ils jugent prometteuses. Et si les auteurs répondent à leurs attentes, ils seront encore plus motivés pour financer de nouveaux projets. Et ad finem, c’est la culture livresque qui s’en trouvera renforcée.