(VOVWORLD) - À l’occasion de la Fête du Roi des Belges, célébrée chaque année le 15 novembre - une journée aussi symbolique pour les Belges que leur fête nationale du 21 juillet - nous avons eu le plaisir de réaliser une interview exclusive avec l’ambassadeur de Belgique au Vietnam, Karl Van den Bossche. Celui-ci revient sur les liens d’amitié entre la Belgique et le Vietnam, sur les grandes orientations de la coopération bilatérale dans des domaines tels que la transition verte, l’éducation et la culture. Mais il partage aussi ses impressions personnelles et ses expériences marquantes durant ses années de mission à Hanoi.
L'ambassadeur de Belgique Karl Van den Bossche lors de l''interview accordée à VOVworld. Photo: Nina/VOVworld |
Karl Van den Bossche: Le 15 novembre, on dit que c'est la fête du roi, mais c'est en fait la fête du patronage de Saint Léopold, qui a été le premier roi. On a gardé cette date pour fêter la dynastie, donc c'est devenu en fait la fête de la dynastie. Il y a 30 ans, c'était encore officiellement un jour de congé. Ce n'est plus le cas, mais on continue à le fêter, et en fait pour les ambassades belges à l'étranger, c'est une fête très intéressante. Quand on est dans une zone tropicale, le 21 juillet, il fait trop chaud, et les Belges sont en congé. Alors qu'est-ce qu'on fait? On reprend le jour de la fête du roi, la fête de la dynastie, pour célébrer la fête nationale, pour le dire ainsi.
VOVworld: La Belgique s'est toujours distinguée par son savoir-faire dans l'innovation, l'agroalimentaire et la logistique. Comment ces expertises peuvent-elles contribuer à accompagner la transition verte et numérique du Vietnam?
Karl Van den Bossche: Nous avons une histoire avec le Vietnam depuis plus de 50 ans. Au début, ça a été une histoire de coopération et de développement. Il faut dire qu’après les différentes guerres, le Vietnam était vraiment en pénurie et qu’on se focalisait alors sur la coopération et le développement, sur l’assistance technique et ainsi de suite... Mais depuis quelques années, on voit le Vietnam se développer à la vitesse de la lumière. Les choix politiques du pays sont très clairs et vraiment fondés sur l'avenir. Les secteurs de la technologie de l'information, de la logistique verte ou encore des technologies vertes sont mis en avant. Idem pour les chaînes de production à haute valeur ajoutée. Et donc tout ça mène à une coopération qui a complètement changé en passant d'une coopération développement à une coopération main dans la main pour des buts conjoints. La lutte contre le réchauffement climatique, par exemple, est un but partagé qui sert à utiliser cette technologie pour innover encore davantage.
Le Vietnam est bien positionné maintenant dans ce coin du monde pour devenir un centre régional pour toutes ces technologies. Les entreprises belges le voient bien évidemment et considèrent le Vietnam comme un tremplin pour sauter encore plus loin.
VOVworld: Depuis longtemps, le commerce et l'investissement sont deux axes historiques des relations vietnamo-belges. Et outre les partenariats déjà fructueux comme celui concernant le cacao, quels nouveaux domaines de collaboration vous paraissent aujourd'hui porteurs d'avenir?
Karl Van den Bossche: Le cacao vietnamien est fantastique. Mais je veux quand même mettre un point sur la table. Vous produisez beaucoup trop peu de cacao! Vous avez 5000 tonnes ou 3500 tonnes par an. Quand on compare ça avec la Côte d'Ivoire… Là-bas c'est 1,9 million de tonnes. Mais votre cacao est d'une qualité supérieure. Et donc, ce qu'on va essayer de faire, c'est inciter les agriculteurs à planter des petits arbres de cacao pour élargir la production. Mais ça, c'est le cacao.
Prenons maintenant l'hydrogène. L'hydrogène est un des ressources d'énergie de l'avenir, surtout l'hydrogène verte qui devrait être produite par soit l'énergie éolienne soit l'énergie solaire. Nous avons des entreprises qui sont très fortes dans la production d'hydrogène et qui voient le Vietnam comme une plaque tournante pour exporter vers d'autres pays. Le Vietnam veut attirer des investissements étrangers directs pour non seulement couvrir le marché vietnamien, mais pour produire pour la région.
VOVworld: Les échanges éducatifs et scientifiques jouent également un rôle clé dans le rapprochement entre nos deux pays. Et quels projets l'ambassade souhaite encourager dans ces domaines?
Karl Van den Bossche: Les priorités sont définies en fait par nos communautés en Belgique. Donc on a Wallonie Bruxelles, mais on a aussi la communauté flamande. Et donc ces deux communautés-là sont celles qui prennent des décisions pour avancer, pour faire avancer les échanges dans le domaine culturel, scientifique et éducationnel.
Ce que j'aimerais bien faire encore pour les mois à venir, c'est travailler étroitement avec les ces communautés en Belgique pour non seulement attirer davantage d’étudiants vietnamiens, mais pour leur offrir également une possibilité de s'insérer dans le marché du travail en Belgique parce que nos entreprises ont vraiment besoin de matière grise. Les étudiants vietnamiens sont très doués, sont très motivés, très ouverts aussi, très intéressés. Je suis vraiment convaincu qu'il y a un double gain des deux côtés. Nous devons nous efforcer d’offrir un environnement accueillant pour les étudiants, pour ensuite leur offrir des opportunités de carrière qui ensuite peuvent être utilisées par ces mêmes étudiants, qui deviennent après un an, deux ans, des employés expérimentés, qui reviennent ici au Vietnam et qui utilisent ce savoir-faire pour innover et développer le Vietnam.
Karl Van den Bossche lors d''une rencontre avec des victimes de l''agent orange. Photo: BE/AVI |
VOVworld: Vous êtes en poste au Vietnam depuis 2022. Comment décririez-vous aujourd’hui vos liens personnels et professionnels avec notre pays?
Karl Van den Bossche: J'ai appris énormément de choses, donc je suis devenu un homme encore plus riche, pas en argent, mais en expérience. Votre pays est fantastique! Vous avez des coins superbes, vous avez une population très accueillante, très chaleureuse… Les contacts avec vos dirigeants sont professionnels et ouverts… On peut discuter de beaucoup de thèmes. Il y a toujours une volonté d'aboutir à quelque chose qui peut plaire aux deux côtés. Donc il y a toujours une volonté du gouvernement vietnamien d'arriver à un compromis qui sert à tout le monde, et j'apprécie ça énormément, cette attitude constructive. Mon séjour ici au Vietnam - déjà plus que trois ans - m'a fait comprendre encore davantage l'Asie.
VOVworld: Au fil de vos découvertes au Vietnam, il y a un lieu, un souvenir ou une expérience qui vous a particulièrement marquée et que vous aimeriez partager avec nos auditeurs?
Karl Van den Bossche: Il y a une expérience que j'aimerais partager avec vous, c'est une expérience dans le domaine de la lutte contre les effets dévastateurs de l'agent orange. La dioxine, elle est toujours très, très, très répandue, ici au Vietnam. Alors, ça a créé des millions de victimes, des millions de gens déformés, des handicapés, mentalement handicapés, physiquement handicapés. Et je me suis fait presque une mission personnelle de soutenir ces gens-là. Nous travaillons étroitement ensemble, la Belgique et le Vietnam, pour remédier aux effets de l'agent orange.
Nous sommes le seul pays au monde qui a une entreprise qui peut éliminer la dioxine à 100%. Donc, on essaye de travailler main dans la main avec les Vietnamiens. On a créé un fonds, notamment le fonds Aquitarat, qui va financer la décontamination des terres.
On travaille ensemble avec l’association des victimes vietnamiennes de l’agent orange pour créer des magasins, des petites supérettes dans les quartiers à l’intention des victimes, qui peuvent les exploiter. En juillet dernier, j'étais dans la province de Dông Nai pour ouvrir les trois premiers magasins. Chaque fois que je vois des victimes de l'agent orange, je suis convaincu que je dois continuer à me battre pour le sort de ces gens.