(VOVworld) - SOS, patrimoine audio-visuel en péril ! Eh oui, je sais. C'est terrible, mais au Vietnam, c'est la réalité! Tous les jours, au moins une bobine de dix minutes de témoignages historiques part en fumée. C’est en tout cas ce qu’a constaté Jean-Pierre Verscheure, conservateur et technicien-archéologue belge de renommée internationale qui est venu travailler il y a quatre ans au studio national du film documentaire et scientifique du Vietnam. Alors, quelles mesures ont été prises face à cette situation ? Tout de suite des éléments de réponse dans notre Magazine du dimanche.

Jean-Pierre Verscheure au studio national du film documentaire et scientifique du Vietnam

Quatre années se sont écoulées depuis la denière venue de Jean-Pierre Verscheure au Studio national du Film documentaire et scientifique, un établissement possédant 12.000 bobines de films documentaires dont une grande partie sur les deux guerres qu'a connu notre pays au cours de la seconde moitié du 20ème siècle. Malheureusement, ces bobines semblent vouées à disparaître purement et simplement. Jean-Pierre Verscheure :

«J’ai rédigé un rapport exhaustif de cinquante pages sur l’état de dégradation des films du fonds d’archives. Alors la conclusion est dramatique. Si aucune mesure n'est prise dans les 15 années à venir, tout le patrimoine audio-visuel sera détruit. 15 ans, ça passe très vite. Dans ce patrimoine audio-visuel, il y a la mémoire économique, politique, culturelle du Vietnam. Il y a des documents de très grande valeur: par exemple, la guerre du Vietnam photographiée du côté vietnamien. Ce sont des images que nous ne connaissons pas. Nous ne connaissons que la guerre du Vietnam vue du côté américain. La réalité, nous ne la connaissons pas, elle se trouve dans ces boîtes. C’est un véritable trésor historique. Et nous avons évalué la situation aujourd’hui. Le fonds documentaire perd entre 200 et 300 bobines de film chaque année. Je pense c’est quelque chose d’important.»

Eh oui, on constate maintenant une rapide dégradation des pellicules cinématographiques, eu égard le plus souvent à des conditions climatiques peu compatibles avec les nécessités du processus de conservation. Jean-Pierre Verscheure encore :

«Une pellicule a une durée de vie. Elle est d’environ un siècle et demi si les films sont conservés dans de bonnes conditions. Le problème, c'est que les conditions climatiques de ce pays ne permettent pas de conserver une pellicule dans de bonnes conditions. Il faudrait abaisser la température à une température proche de zéro degrés. Ca représente un coût considérable. Il faudrait aussi abaisser le taux d’huminité à 20% dans un pays où l’humidité relative est proche de 100% en permanence. C’est un problème économique. Ca signifie que, à mon avis et d’après les perspectives de ce pays, la durée de vie d’une pellicule est d’environ 30-40 années, pas plus.

Mais tout n’est pas négatif. Un fonds important a déjà été alloué par le gouvernement vietnamien et l'un de ses partenaires - Wallonie-Bruxelles, en l'occurence - dans le but d’améliorer la situation.

«Le studio, grâce au fonds, a pu acquérir des équipements extrêmement sophistiqués parmi les plus modernes aujourd’hui, ceux qui sont utilisés en ce moment même à Hollywood dans les centres de restauration . Et donc, la raison de ma présence l’année dernière, c'était d'enseigner au personnel de la Cinémathèque l'utilisation de ces nouveaux outils pour la restauration des films.»

De plus, la construction de nouveaux locaux de conservation a débuté.

«Dès que le bâtiment sera construit, la première étape consistera à décontaminer la pellicule, à la nettoyer et à tenter de la sauvegarder. Dans le futur, tous ces films devraient être transférés sur des supports numériques.»