Pas de quoi en faire toute une salade ?

(VOVworld)- Les habitués de la rue Ta Hien l’auront certainement remarqué… « tchac-tchac-tchac »… C’est au bruit que font ses ciseaux que l’on reconnaît « ông nôm » - « Monsieur salade de jerky de bœuf » - un vieux monsieur qui, tous les soirs, se fraye un chemin parmi les badauds. « Pas de quoi en faire toute une salade ? » Eh bien si, vous allez voir !...  

Luu Van Hao - « ông nôm », donc - me reçoit chez lui, dans une maison nichée tout au bout d'une ruelle sinueuse du vieux quartier, qui lui sert aussi d’atelier. La petite chambre d’une dizaine de mètres carrés qu’il occupe est encombrée de grandes bouteilles de sauce et de baquets dans lesquels des demi-papayes vertes pelées sont mises à sécher devant un ventilateur. Il est 7h du matin, le vieux septuagénaire commence déjà sa journée de travail. Et en guise de gymnastique matinale, il râpe et essore des papayes vertes. Monsieur Nom nous confie:

« Au marché on vend des papayes déjà râpées. Mais j’aime mieux tout faire moi-même :  choisir, peler, épépiner et râper les papayes. Ca prend du temps, mais ça en vaut la chandelle. Regardez ! Mes papayes sont propres et finement râpées. »

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Monsieur "Nom" râpe des papayes vertes (Source: VOV/Phuong Nguyen)

Trente petites minustes suffisent à « ông nôm » pour raper dix kilos de papayes et les faire macérer dans l’eau. Après quoi, il s’en retourne à ses marmites de viande de bœuf. Dès qu’il en soulève le couvercle, je me sens pris au nez et à la gorge par une odeur âcre mais pas désagréable qui m’avait déjà frappée en entrant.      

« J’essaie de conserver longtemps la saveur du jerky. Il y a du tsaoko, de la canelle, de la badiane et d’autres ingrédients. Sinon, il faut du filet, du tendon, du gosier et de la rate de boeuf pour faire le jerky. Le filet doit être vraiment grand, épais et sans tirant, sinon on ne peut pas le découper à la main. C’est vrai que c’est du jerky mais ça doit rester quand même assez souple. Avec le jerky séché, plus on  mâche, plus on a de l’appétit ! Mais bon, de nos jours, on ne prend plus trop le temps de savourer les choses comme avant !... »  

Les préparatifs s’achèvent vers midi. Le temps de déjeuner sur le pouce, « ông nôm » enfourche son vieux vélo, et armé de ses ciseaux, il part distribuer sa salade, comme d’autres la bonne parole.    

« Je ne vends ma salade que dans le vieux quartier. Ici on gagne mieux, du coup on mange mieux ! Dans les quartiers où on ne gagne pas beaucoup, on ne mange que pour se remplir l’estomac… J’ai déjà essayé de vendre ma salade ailleurs, mais les gens m’ont regardé avec des yeux ahuris en me demandant ce que c’était… En fait, ma clientèle, ça couvre tout l’arrondissement de Hoan Kiem, depuis le lac jusqu’à la rue Nguyen Huu Huan, ou la rue Phung Hung. La salade de jerky de boeuf va très bien avec de la bière. C’est d’ailleurs autour des petits bouis-bouis, sur les trottoirs, que je vends le mieux ma salade. »

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(Source: tintuconline.vn)

Ah ! Un client ! Vite, « ông nôm » descend de son vélo et ouvre la minuscule armoire qu’il transporte sur son porte-bagages. Une véritable boîte de Pandore, cette petite armoire :  de la salade, un grand bol de lanières de jerky de boeuf, une assiette de papaye verte râpée, un panier d'herbes aromatiques, un bocal de cacahuète… A cela s'ajoutent différentes burettes de vinaigre, de sauce au piment, de sucre…

« Je choisis souvent les morceaux les plus mous pour les vieux ou les femmes. Mais il y a des gens qui me demandent de leur donner des morceaux plus fermes. A chacun ses goûts, après tout ! Mais souvent, j’observe que les hommes mangent plus aigre que les femmes, contairement à ce que j’aurais été tenté de croire. Cela étant, chaque client à ses préférences. Pour les uns, il faut un peu plus de vinaigre ou de sauce au piment, pour les autres, un peu plus de sucre… »    

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Monsieur "Nom" prépare des salades (Source:tintuconline.vn)

"Quand j’étais plus jeune, je venais souvent boire une bière à Bac Co et à Nha Tron, et je lui achetais de la salade. Il passait souvent par ici. J’aime bien sa manière de préparer, d’assaisonner…" 

"Chaque fois que je viens à Ta Hien avec des amis, j’achète une assiette de salade à « ông nôm ». Des salades comme la sienne, on n’en trouve nulle part ailleurs. Un vrai délice !"      

C’est la misère qui a poussé son grand-père, son père et puis finalement « ông nôm » lui-même à se lancer dans ce métier. Maintenant, le temps des vaches maigres est révolu, mais « ông nôm »  ne songerait pas à changer d’activité… Et force est de reconnaître qu’il manquera quelque chose aux rues du vieux quartier lorsque le son de ses ciseaux n’y résonnera plus…    

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