Des chants alternés aux bords de la rivière Cau

(VOVworld) - Bac Giang est une province du Nord du Vietnam où les chants alternés du quan ho, classés au patrimoine mondial de l’Unesco en 2009, sont jalousement préservés. Sur la rive nord de la rivière Cau, plusieurs générations de villageois chantent ces airs, décidés à leur conserver une place de choix dans la société moderne.     

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Nous sommes un samedi après-midi. Des chants résonnent au fond d’un impasse du village de Huu Nghi, un village du district de Viet Yen, rattaché à la province de Bac Giang. Parfois mélodieux, parfois dynamiques, parfois languissants… Ces chants rythment les samedis des villageois depuis vingt ans. La maison d’où ils semblent venir est en fait le siège du club de quan ho du village.  Agriculteurs, commerçants ou retraités… Lorsqu’ils viennent ici, les membres du club troquent leurs habits ordinaires contre les costumes traditionnels des chanteurs et des chanteuses de quan ho : des tuniques à pans multicolores et des grands chapeaux ronds pour les dames, des tuniques monochromes, des turbans et des parapluies pour les hommes. Une élégance pure qui fait oublier les soucis de tous les jours. Du haut de ses 80 ans, Nguyen Thi Mo continue de chanter.

«Je chante depuis que je suis toute petite. Au début, je me contentais d’imiter les personnes âgées. Mais à l’époque, il n’y avait pas un tel engouement pour le quan ho. C’est la première fois que je fais partie d’un club, et j’ai dû attendre ma retraite pour ça. Les airs anciens sont certes plus difficiles, mais ils sont aussi vraiment plus beaux, plus significatifs.»

Avec son sourire édenté, Nguyen Thi Mo nous explique les principales techniques du quan ho. Même si leur âge avancé ne leur permet plus de chanter aussi fort qu’avant, les membres les plus éminents du club tiennent toujours à préserver la tradition et à transmettre leur savoir. Tran Van The, qui se trouve être le président du club, affirme non sans fierté que Huu Nghi compte parmi les cinq villages du district ayant une longue tradition de quan ho. Sur toute la région du Kinh Bac, qui comprend les provinces de Bac Ninh et de Bac Giang, il est l’un des 49 villages reconnus comme tels par l’Unesco. Mais les chants de Huu Nghi se distinguent de ceux d’autres villages en ceci qu’ils ont su garder  la gaieté du chèo, la douceur du dam, la profondeur des paroles du ca trù et une certaine innocence venue d’autres formes de chants populaires. Le quan ho tel qu’on a souvent l’habitude de l’entendre aujourd’hui n’est plus tout à fait le même, les techniques de chant ayant été simplifiées et un accompagnement instrumental ajouté.  Mais à Huu Nghi, les chanteurs et les chanteuses chevronnés tiennent bec et ongles à la tradition ancienne, nous explique Tran Van The :

«Nous avons appris et continuons d’apprendre des airs anciens. Nous sommes allés jusqu’à Bac Ninh, dans les villages les plus anciens du quan ho comme Viem Xa, Khuc Toai et Tram Khe pour apprendre des airs. Nous transcrivons les paroles et la musique pour les réapprendre aux autres membres du club. Certains de nous connaissent par cœur plusieurs centaines de chansons différentes.»

Depuis quelques années, Tran Van The, sa femme et leurs confrères apprennent le quan ho aux autres villageois. Il n’est pas rare de voir, aujourd’hui à Huu Nghi, des petits enfants qui chantent sans savoir encore ni lire ni écrire. Certaines familles comptent ainsi trois ou quatre générations de chanteurs. Tran Van The:

«Les jeunes adorent le quan ho et ils apprennent vite. Il faut qu’ils pratiquent assidûment, car c’est eux qui  transmettront leur savoir aux générations futures.»

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Le club de quan ho de Huu Nghi participe souvent à des échanges avec d’autres villages, à des concours provinciaux ou nationaux. Plusieurs membres ont même eu l’occasion de se produire à l’étranger. Dans le district de Viet Yen, les festivals de quan ho sont très fréquents et pas moins d’une centaine de classes ont été ouvertes à l’intention des amateurs. Dao Trong Ca, le chef du bureau culturel du district, est lui aussi un chanteur chevronné :

«Le quan ho intéresse maintenant beaucoup de gens mais l’important est de travailler à sa qualité, de préserver les techniques traditionnelles et de répertorier les airs anciens. Plus les chants sont difficiles, plus ils nous attirent. Et le quan ho attire aussi les touristes. A Viet Yen, nous nous sommes fixé l’objectif de développer le tourisme communautaire sur la base de ce patrimoine culturel. »

Et c’est ainsi que le feu de la tradition continue d’éclairer ces villages du bord de la rivière Cau, où chanter est tout simplement une raison d’être.

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