Dien Bien Phu aérien - du haut du cran et de l’intelligence vietnamienne

(VOVworld) - En se soldant par l’échec de l’aviation américaine, les 12 jours et 12 nuits de la fin du mois de décembre 1972 sont entrés dans l’histoire du Vietnam comme un exploit miraculeux. Cette victoire sur les B52 américains, jusqu’alors considérés comme « invincibles », traduit tout le cran et toute l’intelligence des Vietnamiens. Mais elle a surtout fait basculer le destin des armes et ouvert la voie à la réunification du pays.    

Lorsque les Etats-Unis ont décidé de lancer la campagne « Linebacker II », qui consistait donc à larguer des tapis de bombes sur le Nord-Vietnam et en particulier sur Hanoï, l’armée vietnamienne n’a pas été surprise outre mesure. En effet, dès 1965, c’est-à-dire sept ans avant, au moment des bombardements de  Ben Cat, à Saigon, le président Hồ Chí Minh avait prédit que tôt ou tard, les Américains recoureraient aux B52 pour bombarder Hanoï et le Nord-Vietnam. Estimant que ces derniers ne baisseraient pavillon après avoir perdu le combat dans le ciel hanoien, Ho Chi Minh a demandé à l’armée de l’air et à la défense anti-aérienne de se préparer activement.

« Dès 1968, nous avons rédigé un vade mecum expliquant comment faire face aux B52, se souvient le général Nguyen Xuan Mau, ancien commissaire politique adjoint de l’armée de l’air et de la défense anti-aérienne. Fin novembre 1972, le plan définitif de lutte contre les B52 a été approuvé par le général Van Tien Dung, le chef d’état major, et par l’ensemble de l’état major, avant d’être ratifié par le général Vo Nguyen Giap en personne. Nous avons ensuite préparé tout ce qui était nécessaire, en anticipant la bataille à venir. »


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L'un de ces B52 baptisés "forteresses volantes"




Lorsque la bataille a éclaté pour de bon, l’armée vietnamienne a fait preuve d’une créativité et d’une flexibilité inouïes. Les pilotes américains ayant participé à cette campagne ne pourront jamais oublier la stupeur que leur ont causé les MIG 21, mais aussi les missiles SAM 2, les canons de 100mm et les radars P35 de la DCA vietnamienne. Le colonel Dinh The Van était chef du bataillon 77, la fameuse unité qui a abattu 4 B52 en anticipant leur trajectoire.

« Notre bataillon 77 avait pour mission de protéger le secteur de Ba Dinh, nous raconte-t-il. Nous avons étudié toutes les faiblesses des B52. Nous avons découvert par exemple que quand sur un écran de radar, il y avait beaucoup de parasites et qu’une zone plus brouillée que les autres apparaissait, il s’agissait forcément d’un B52. Deuxième découverte : les B52 volaient à 10km, une altitude très favorable pour les missiles. Troisième constat : plus un B52 était gros et lourd, plus sa réflexion au radar était importante. En outre, nous avons étudié les habitudes des B52. Une fois qu’un B52 était prêt à larguer ses bombes, les avions F4 l’accompagnant devaient s’en éloigner au lieu de continuer de voler au-dessous de cette forteresse volante. A ce moment-là, nous pouvions ouvrir notre récepteur et détecter les parasites provoqués de loin par le B52. Et lorsqu’il se trouvait à une distance convenable, on ouvrait le feu. »

En déjouant ces attaques de l’aviation américaine, fin décembre 1972, l’art stratégique vietnamien aura atteint son apogée. Selon le général Pham Tuan, chaque B52, qui ne volait qu’en pleine nuit, disposait d’une escorte puissante, en plus de son propre équipement déjà très sophistiqué. Chaque B52 portait en effet des missiles et des armes à feu capables d’anéantir des chasseurs. Afin de faire face à ce « monstre », les pilotes de la DCA vietnamienne ont dû s’entraîner sur des pistes courtes, apprendre à voler très bas ou très haut dans l’optique de pouvoir, plus tard, approcher leur cible aussi vite que possible.

« Avant nous, aucun autre pays dans le monde n’avait utilisé de MIG 21 pour abattre un B52, indique le sous-colonel Vu Dinh Rang, pilote d’un MIG 21. Pendant ces 12 jours et 12 nuits, l’armée de l’air vietnamienne a vraiment effrayé les Américains qui ont essayé de bombarder nos aéroports en ville. Nous avons donc dû recourir aux pistes courtes encore utilisables pour décoller. Il nous est même arrivé de décoller à la verticale pour participer au combat. Plus tard, nous nous sommes rendus dans des aéroports en dehors des villes, ce à quoi l’ennemi n’aurait jamais pensé, pour décoller. Certes, au cours de cette campagne, l’armée de l’air a abattu moins d’avions que ne l’ont fait les missiles et les canons de la DCA, mais à chaque sortie de nos MIG 21, l’équipe d’avions entourant les B52 devait se disloquer, ce qui brouillait moins les radars et facilitait donc les tirs de missiles. »


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La DCA vietnamienne durant cette bataille de Dien Bien Phu aérien




En plus d’une tactique habile, l’armée vietnamienne a su rénover ses missiles SAM 2. Les Américains étaient alors persuadés, à tort, que cette arme ne pourrait jamais atteindre leurs B52.

« Pour faire face aux B52, nous n’avions que des missiles SAM 2, souligne le général Nguyen Van Phiet, ancien chef du bataillon 57. En 1967, nous avions tiré ces missiles contre des B52, mais ils étaient tous tombés avant d’atteindre leur cible, perturbés par les parasites trop importants. Avec leurs collègues soviétiques, les experts vietnamiens ont mené des recherches pour remédier à ce défaut et améliorer la capacité de ces missiles. Il faut savoir que si en 1965, une tête de missile SAM 2 ne pouvait éclater qu’en 1200 morceaux ; en 1972, elle pouvait éclater en 3200 morceaux. »

Grâce à une bonne préparation et à une parfaite synergie, l’armée et le peuple de Hanoï et du Nord-Vietnam ont tenu en échec les attaques stratégiques de l’aviation américaine, détruisant de nombreux avions modernes, dont 34 forteresses volantes B52. Cette victoire retentissante a obligé les Etats-Unis à cesser les bombardements sur le Nord-Vietnam et à signer les accords de Paris en 1973, ouvrant la voie au triomphe final des résistants vietnamiens dans leur lutte pour le salut national. 40 ans après, la victoire du Dien Bien Phu aérien fait encore parler d’elle comme étant un exploit sans égal témoignant du cran, de l’intelligence et de la vision stratégique du Parti communiste vietnamien et du président Hồ Chí Minh.

 

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