L’Egypte face au risque d’instabilité

(VOVworld)-L’Egypte se trouve à nouveau au bord du gouffre. Le président Mohamed Morsi a réaffirmé jeudi que les pouvoirs élargis qu'il s’était attribués par décret étaient « temporaires » et qu’ils ne seraient plus valides après l'adoption de la loi fondamentale, attendue dans les semaines à venir. Mais cela n’a pas suffi, semble-t-il, à apaiser les esprits et à ramener le calme sur une scène politique égyptienne en surchauffe.



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Le président égyptien Mohamed Morsi (photo : AFP/Khaled Desouki)





Tout a commencé le 22 novembre, date à laquelle Mohamed Morsi a fait promulguer un décret interdisant aux instances judiciaires de rejeter ou de modifier les lois et les décrets présidentiels, pourvu que ceux-ci aient été promulgués dans l’intervalle de temps compris entre le 30 juin dernier - c'est-à-dire le jour de la prise de fonction de Mohammed Morsi - et l’adoption d’une nouvelle constitution, qui doit être accompagnée de l’élection d’un nouveau parlement. Selon les analystes, cette décision constitue un cas d’empiètement de l’exécutif sur le judiciaire, ce qui n’est pas conforme à la loi, laquelle stipule expréssement la séparation des pouvoirs : exécutif, judiciaire et législatif. Le décret fait par ailleurs passer le délai d’achèvement de l’élaboration de la constitution de 6 à 8 mois, à compter de la fondation de la commission constituante, ce qui élargit d’autant les pouvoirs exceptionnels que le président s’est ainsi adjugés. Juste après avoir promulgué ce fameux décret, Mohamed Morsi a décidé de limoger le procureur général, Abdel Meguid Mahmoud, qu’il avait échoué à démettre de ses fonctions en octobre, et a désigné un autre juge pour le remplacer pour quatre ans. Mais le président égyptien a aussi promulgué une loi sur « la protection de la révolution » qui prévoit notamment de rejuger les responsables des meurtres de manifestants qui se sont produits entre le 25 janvier 2011 et l’élection présidentielle, en juin dernier.




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Mohamed Morsi a décidé de limoger le procureur général, Abdel Meguid Mahmoud, qu'il avait échoué à démettre de ses fonctions en octobre, et a désigné un autre juge pour le remplacer pour quatre ans. (Photo : AFP)



Le monde politique égyptien s’indigne face à ce qui passe pour être un coup de force à peine déguisé. Les forces de l’opposition, qui comprennent l’association des juges, considèrent le décret de Mohamed Morsi comme « un putch constitutionnel » portant gravement atteinte au principe d’indépendance des instances judiciaires. L’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, Mohamed El-Baradei, a lui aussi fait part de son indignation, en prévenant que cette mainmise sur le pouvoir pourrait avoir des conséquences « atroces ». Les juges et la presse égyptienne ont appelé à une grève générale dans l’ensemble du pays, ce qui n’est pas sans rappeler le grand mouvement de contestation qui avait fini par mettre à bas le président Hosni Moubarak, aussi paradoxal cela soit-il. Selon les juges égyptiens,  99% des tribunaux et des organes judiciaires du pays sont prêts à se mettre en grève pour protester contre le décret présidentiel. Place Tahrir, au centre du Caire, les manifestants sont de plus en plus nombreux à réclamer la démission du gouvernement. Ils ont d’ailleurs déclaré qu’ils continueraient à occuper ce lieu, devenu hautement symbolique, tant que le décret controversé n’aurait pas été aboli. Sur le plan économique, enfin, le 25 novembre, le marché boursier égyptien a subi une perte de près de 4,8 milliards de dollars, la plus importante depuis sa réouverture après le renversement de Hosni Moubarak.

Face au risque d’une escalade, jeudi, Mohamed Morsi a donc réaffirmé que les pouvoirs élargis qu’il s’était attribués par décret étaient « temporaires » et qu’ils ne seraient plus valides après l'adoption de la loi fondamentale. Toujours jeudi, il a prononcé un discours télévisé pour justifier la promulgation du décret et lancer un appel à l’unité nationale. Par ailleurs, la commission constituante a achevé mercredi les discussions sur le projet de constitution qui a ensuite été voté jeudi. Selon le secrétaire général de la commission, Ahmed Darrag, la seule solution pour l’Egypte est l’achèvement de la constitution dans les meilleurs délais. Peut-être, mais d’ici-là, tout peut advenir au pays des pyramides, sauf – et c’est là tout le problème - cette stabilité dont les Egyptiens ont tant besoin… 

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