L’Irak face à un risque de regain de la violence

La justice irakienne a interdit lundi dernier au vice-président Tareq al Hachemi, de confession sunnite, de quitter le pays. La veille, un mandat d'arrêt avait été lancé à son encontre. Tareq al Hachemi est en fait accusé d’être impliqué dans des attaques terroristes contre des responsables du gouvernement et de la sécurité nationale. Mais au-delà même de son propre cas, on assiste à un brusque regain de tension entre les diverses factions politiques du pays, ce qui ne va pas sans soulever les plus vives inquiétudes quant à l’émergence d’un conflit de pouvoir, suite au retrait total des forces de sécurité américaines.

Le mandat d’arrêt a été émis par le conseil judiciaire suprême irakien qui est la plus haute instance judiciaire du pays. Il fait suite à l'arrestation, il y a deux semaines, de quatre gardes du corps d'Hachemi qui l'ont accusé d'entretenir des liens avec le terrorisme et d’être impliqué dans la tentative d’assassinat qui avait visé le Premier Ministre Mouri al Maliki le 3 décembre dernier.  Par ailleurs, un enregistrement sonore dans lequel on peut entendre les aveux de 3 terroristes membres du réseau de sécurité de Tareq al Hachemi a été rendu public. Ce dernier a aussitôt rejeté ces accusations, dénonçant une machination    politique ourdie par Nouri al Maliki lui-même.

Pour l’heure, personne ne peut dire si Hachemi est impliqué dans ces attaques terroristes ou s’il s’agit tout simplement d’un scénario politique bien monté. En tout cas, ce mandat d’arrêt a fait éclater un conflit qui était latent entre les diverses factions politiques du pays.   Depuis le renversement par l’armée américaine de Saddam Hussein, la communauté sunnite - qui représente la minorité de la population irakienne - ne cessait d’accuser les Chiites de chercher à l’écarter de l’échiquier politique. Et encore récemment, l’antagonisme entre Sunnites et Chiites a refait surface lorsque le parti sunnite Iraqiya a décidé de boycotter le Parlement afin de protester contre les obstacles dressés par le Premier Ministre à la formation d’un gouvernement de coalition. Il faut savoir que l’ancien dirigeant irakien Saddam Hussein était un Sunnite. Du coup, de nombreux Sunnites se croient opprimés par les Chiites dont l’influence ne cesse de gagner de l’ampleur depuis l’invasion américaine. Les Sunnites accusent aussi le Premier Ministre Maliki d’exercer une véritable mainmise sur le gouvernement, quitte à laisser vacants certains sièges clés. A cela s’ajoute le fait que le chef du gouvernement a demandé au Parlement de lui accorder sa confiance pour se défaire d’un important dirigeant sunnite qui n’était autre que le vice-Premier Ministre Saleh al-Mutlaq, montré du doigt pour s’être conduit avec malhonnêteté. C’est cet incident qui a décidé le parti Iraqiya, détenteur de 82 sièges sur 325 et deuxième formation politique du pays après l’Alliance Nationale Irakienne de Nouri al Maliki, à boycotter le Parlement.

Dans ce contexte, le mandat d’arrêt lancé à l’encontre du vice-Président Tareq al Hachemi a donc donné un coup de fouet à la communauté sunnite, déjà en position de faiblesse au sein du gouvernement de coalition. Selon les observateurs, ces affaires risquent de faire monter d’un cran la tension en Irak. Elles fragilisent d’ores-et-déjà l’accord sur le partage du pouvoir qui avait été conclu entre les communautés chiite, sunnite et kurde, et amènent le pays au bord de la guerre civile.

Face à cette situation, les dirigeants politiques irakiens se sont réunis avec le Premier Ministre Maliki et d’autres dirigeants, dans un but de contenir le conflit. Le conseil judiciaire suprême irakien a décidé de créer un comité chargé d’enquêter sur ces accusations. Le Président Jalal Talabani a, quant à lui, critiqué la décision prise à la hâte par le conseil judiciaire suprême irakien. Le dirigeant kurde Massoud Barzani a pour sa part prévenu que la situation pouvait dégénérer et a plaidé pour des négociations, afin  d’empêcher l’effondrement du gouvernement d’union nationale. Même inquiétude du côté des Etats-Unis dont l’ambassadeur à Bagdad a contacté les hauts dirigeants irakiens. Depuis la Maison Blanche, le porte-parole Jay Carney a souligné que les Etats-Unis pressaient les parties concernées de se réunir autour d’une même table, pour résoudre leurs différends par le dialogue.

Il est clair que les inquiétudes de la communauté internationale sont tout à fait fondées. Avec l’instabilité qui règne pour l’heure, l’Irak se retrouve face à sa crise politique la plus grave depuis la naissance du gouvernement d’union nationale il y a un an. L’accord sur le partage du pouvoir entre les Chiites majoritaires et les Sunnites minoritaires pourrait   s’effondrer à n’importe quel moment et rallumer la mèche de la violence./.

Anh Huyen

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