Nguyen Thi Binh et ses mémoires : "Ma famille, mes amis et mon pays"

(VOVworld)-« Ma famille, mes amis et mon pays », tel est le titre des mémoires de Nguyen Thi Binh, ancienne vice-présidente vietnamienne, qui viennent de sortir aux éditions Tri Thuc - Savoir, en français. Ceux qui ont connu la guerre se souviennent sans doute de cette femme extraordinaire, qui fut la négociatrice en chef du gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam à la Conférence de Paris. A l’époque, elle était ministre des Affaires étrangères. C’était d’ailleurs la première femme à assumer ce poste. Nguyen Thi Binh raconte dans ses mémoires les aléas de l’histoire nationale dont elle a été un témoin privilégié.


Nguyen Thi Binh et ses mémoires :

L'ancienne vice-présidente Nguyen Thi Binh

Pour Nguyen Thi Binh, sa famille, ses amis et son pays sont les sources de sa force exceptionnelle. C’est pour cette raison qu’elle a choisi ces substantifs pour titrer ses mémoires, résultat d’une longue période de réflexion. « Quand j’étais encore en activité, je n’avais pas de temps pour prendre des notes. Je n’avais aucun carnet pour noter mes activités, y compris aux négociations de Paris. Il m’a donc fallu du temps pour me remémorer ce qui s’est passé. D’ailleurs, j’ai 85 ans, maintenant. Que d’événements ont eu lieu depuis ! Qu’est-ce qui mérite d’être raconté ? J’ai dû réfléchir beaucoup, j’ai effacé pas mal de choses. Si j’avais gardé tout ce que j’avais écrit, ça ne ferait pas un seul livre, mais 5 ou 7 ! Ce livre, je l’ai écrit pendant plusieurs années. Je l’ai achevé en 2009 mais je me demandais si j’allais le publier ou non. Mais finalement, à l’occasion de mon 85è anniversaire, je me suis décidée à le faire, car je ne savais plus combien de temps il me resterait. » A-t-elle dit.

Nguyen Thi Binh pense qu’elle a eu la chance de vivre des années marquantes de l’histoire nationale au 20è siècle : les résistances au colonialisme français et à l’impérialisme américain, ainsi que les années de paix qui ont suivi. Au nom des gens de sa génération, dont beaucoup ont disparu, Mme Binh tient à faire part des grandes émotions qui animaient les jeunes de la période révolutionnaire. Ces jeunes, elle les qualifie de « géniaux », estimant qu’ils inspirent la jeunesse d’aujourd’hui dans l’édification nationale : « A mon avis, la plus grande leçon que le peuple vietnamien a pu tirer de son histoire, c’est de s’unir pour l’objectif commun. Ce fut la clé du succès du passé, et il en sera de même pour le présent et le futur. Nous avons toutes les conditions nécessaires pour créer cette grande union nationale : la même origine, les mêmes menaces et le même avenir radieux du pays. Pour édifier et défendre un Vietnam puissant, nous avons besoin de nouveaux individus qui aient une personnalité exemplaire, des idéaux et une ferme confiance. A ce prix-là, les Vietnamiens regagneront le cœur de l’humanité. C’est le message que je voulais faire passer dans mes mémoires. »

Nguyen Phuong Loan est éditrice aux éditions Tri Thuc. Elle dit avoir trouvé un sens à sa vie grâce à une phrase écrite par Nguyen Thi Binh : « Dans ce livre, ce qui m’a le plus marquée, c’est une phrase qu’elle a prononcée quand elle était encore très jeune, avant 1948. C’est à la page 42, je cite : « Elle m’a demandé ce qu’elle devait faire pour la résistance. Je lui ai répondu « Faites ce qui profite à la résistance et pas le contraire ». C’est tout simple, mais elle s’est confondue en remerciements », fin de citation. Alors pourquoi cette phrase a-t-elle eu un tel impact sur moi, me demanderiez-vous. Eh bien, je dirais même qu’elle m’a ouvert les yeux, moi qui approche la trentaine. J’ai compris qu’il faut faire tout ce qui profite au pays et éviter tout ce qui peut lui nuire. »

Nguyen Thi Binh et ses mémoires :

Nguyen Thi Binh dédicace des exemplaires de ses mémoires



L’écrivain Nguyen Ngoc a accompagné Nguyen Thi Binh pendant la période de finition du livre. Il fait remarquer qu’à travers ces mémoires, on peut reconnaître chez Mme Binh une combinaison particulière entre populaire et élitiste, entre simplicité et élégance, entre flexibilité et fermeté. Il salue une femme qui a sû garder une jeunesse d’âme et d’intelligence remarquable, une femme ouverte aux nouveautés. Nguyen Ngoc indique : « Quand ils ont ce livre en main, la plupart des lecteurs auraient tendance à s’attendre à des confidences sur des choses extraordinaires qui se sont produites aux négociations de Paris, les plus longues de l’histoire de la diplomatie mondiale, comme disent certains, dont Mme Binh fut un personnage principal. Je dois dire qu’ils ne seraient pas totalement satisfaits. Mais à mon avis, il y a une autre chose extraordinaire et bien plus profonde, c’est de savoir de quelles sources ce petit bout de femme tout humble a puisé sa force exceptionnelle pour pouvoir jouer un tel rôle dans l’histoire nationale. »

A 85 ans, Nguyen Thi Binh conserve cette ardeur de quelqu’un qui a consacré toute sa vie à la lutte pour l’indépendance nationale. Ses mémoires comprennent 300 pages écrites, plus plusieurs dizaines de photos, dont évidemment celles sur les négociations de Paris. « Ma famille, mes amis et mon pays » ne raconte pas seulement les grands événements qui ont marqué la vie de Mme Binh, mais présente également ses réflexions sur le pays, aussi bien quand elle était encore en poste, que pendant sa retraite, non moins occupée.

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