48 ans en France et 120 livres de jeunesse en français

(VOVworld) - Le Grand prix du livre pour la jeunesse a été attribué à "C'est pas juste!", le prix loisirs jeunes lecteurs à "Un anniversaire en pomme de terre", le prix 1000 jeunes lecteurs à "Oùkélé la télé" et "les deux moitiés de l'amitié", sans compter de nombreux autres à "Lettres d’amour de 0 à 10" et "Joker"... Toute une litanie de prix à faire pâlir d’envie n'importe quel écrivain francophone, qui sont en fait le lot d’une seule, d’une française d’origine américaine : Susie Morgenstern.

"C'est une histoire de bols.

Maman met deux bols sur la table.

Les deux bols sont exactement pareils.

Autant de centimètres, autant de millimètres.

Deux bols exactement pareils.

Ni beaux, ni laids,

simplement utiles et légers.

Pour les céréales et le lait.

Le petit déjeuner est prêt.

Yoyo arrive la première

et prend l'un des deux bols.

Nono entre tout de suite après.

Il regarde le bol dans les mains de Yoyo.

Il dit : "C'est mon bol !"

Les deux bols sont identiques.

Nono essaie d'arracher le bol des mains de Yoyo.

Yoyo hurle :

"C'est mon bol ! Maman, c'est mon bol !" [...]

Un bel accent américain... C'est Susie Morgenstern, l'écrivaine aux lunettes roses en forme de coeur qui est en train de lire « Pas de bol! », l'un de ses albums cultes pour jeunesse lors d'une rencontre avec ses jeunes lecteurs vietnamiens à l'Auditorium de l'Espace, l'Institut français de Hanoi.

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Susie Morgenstern. Photo: VOV/Duc Quy

C'est une histoire de bols au petit déjeuner mais pas seulement une histoire de bols. C'est également l’histoire d’une dispute entre frère et sœur et en filigrane, une histoire d’amour et de guerre. Susie Morgenstern procède ainsi : elle s’empare de petits moments de la vie quotidienne pour trouver la trame de ses livres.  

"En fait, ce sont mes vrais petits enfants", dit-elle, "Yoyo a maintenant 21 ans, Nono, 18 ans. Il est aussi Sam dans « iM@mi ». « Premier amour, dernier amour » est complètement mon auto-biographie. C'est mon histoire d'amour. Je n'ai rien inventé, je n'ai pas construit les personnages. C'est vraiment Jacques-mon mari et moi. C'était notre rencontre, notre coup de foudre."

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Et c'est comme ça qu'environ 120 livres ont déjà vu le jour. Impossible de donner un chiffre précis car Susie Morgenstern continue à écrire, et quand je dis écrire, c’est vraiment "écrire" : à la main. 

"J'achète plein de cahiers et j'écris, et j'écris et j'écris... Pourquoi j'écris dans des cahiers? Parce que c'est ça le moteur de mon plaisir. C'est écrire à la main. Je n'ai pas besoin de brancher l'électricité. J'écris partout. J'écris dans l'avion. Dans l'avion, j'ai commencé à écrire un livre intitulé « Comment tomber amoureux sans tomber ». J'aime beaucoup aussi maintenant taper à l'ordinateur. Je passe beaucoup de temps sur l'ordinateur mais les brouillons se trouvent toujours dans les cahiers. Les enfants me demandent toujours: 'Est-ce que c'est difficile d'écrire tout un livre?'; 'Est-ce que vous n'avez pas une crampe à la main?'. Et j'ai dit: 'Je n'ai jamais une crampe quand j'écris, quand je pousse le crayon à travers le cahier. J'ai l'impression de me faire les chatouilles - les « guili-guili ».' C'est un plaisir sensuel pour moi. J'adore écrire. J'écris toute ma vie. Avant d'avoir des idées pour écrire des livres, j'aimais tellement écrire que je copiais des livres entiers, rien que pour le plaisir d'écrire. Ce que j'aimais le plus à l'école, c'étais les punitions. Quand le professeur disais: 'Ecris cent fois, je ne parlerais plus jamais en classe', c'était pour moi le plaisir d'écrire mais aussi le moteur pour être écrivain."

Impossible de parler cette écrivaine septuagénaire sans parler de la discipline de fer qu’elle s’impose pour pouvoir rester devant son cahier et sa plume.     

"J'habite depuis 48 ans à Nice, sur la Côte d'Azur. Je vois la mer depuis ma fenêtre. Est-ce que je vais à la plage? Non. Je vis juste à côté de l'Italie. Vous savez ce qu'il y a en Italie? Des ravioli, des lasagnes, des pizza,... Est-ce que je vais manger en Italie car c'est à 20 minutes de ma maison? Non. Est-ce que je vais déjeuner avec mes copines? Non. Est-ce que je vais danser tous les soirs? Non. Je reste chez moi et j'écris."

Une marathonienne de l’écriture, alors... Et pourtant, pendant deux ans, après la mort de son mari, la plume lui est tombée des mains. Susie Morgenstern, toujours:

"C'est le seul moment de ma vie où je n'ai pas pu écrire. Je n'ai pas écrit parce que je pense qu'un écrivain de jeunesse a comme un devoir d'être optimiste, de dire aux enfants que la vie est belle, que la vie en vaut la peine, que la vie est merveilleuse... Et pendant deux ans, je ne me sentais pas la force de le dire, donc je n'ai pas écrit. Je ne veux pas donner aux enfants une triste expérience. Il y a beaucoup de livres de jeunes qui parlent de la guerre, de la mort, de la tristesse mais si j'en parle, je veux en parler avec humour. Alors mon premier travail de la journée, c'est de chasser les doutes." 

  

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"Je peux vous dire quand même que la chose la plus difficile au monde, c'est d'être simple et c'est pour ça que c'est beaucoup plus difficile d'écrire un livre pour les jeunes que pour les vieux", a déclaré Susie Morgenstern, qui a été nommée Chevalier des Arts et des lettres en 2005 par le gouvernement français, récompense pour toutes ses années où elle a vécu le nez dans des dictionnaires - anglais-français, français-anglais, français-français -, mais aussi et surtout pour toutes ses contributions à la littérature de jeunesse.

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