Littérature vietnamienne, un pied dans l’Ouest?

(VOVworld) - Curieusement, la littérature vietnamienne est peu ou mal connue en France. En dehors de grandes figures comme Nguyen Du, Ho Xuan Huong, les auteurs vietnamiens, notamment contemporains, sont de parfaits inconnus pour la majorité des Français, y compris pour ceux qui s’intéressent à la littérature des pays francophones.

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Du fait d’une histoire partagée, les Français sont naturellement réceptifs à tout ce qui vient du Vietnam. A chaque fois qu’un auteur vietnamien se déplace dans l’Hexagone, il attire des foules de curieux et notamment de Français ayant vécu au Vietnam. Mais dans la mémoire collective, le Vietnam est souvent réduit à des stéréotypes : guerre patriotique, exotisme, Orient éternel… Tout comme le cinéma, la littérature vietnamienne est passée au crible de tous ces vieux poncifs, qui ont décidement la vie dure. Force est de constater que le public, les éditeurs et les médias français sont en quête de souvenirs, de rizières et de parfums, comme s’ils cherchaient à se donner bonne conscience. Dominique de Miscault est une artiste française qui a collaborée avec beaucoup d'auteurs vietnamiens. Elle nous partages quelques-uns de ses points de vue sur la littérature vietnamienne.

« Elle est très riche mais très peu traduite. Enfin pas assez en tout cas. Elle est mal connue en France et puis en plus, c'est intéressant par ce que c'est une littérature de terroir. Et en fait, ce qui nous intéresse le plus, finalement c'est la vie quotidienne du Vietnam, elle est très proche. Ça n'a pas changé. Et ça nous dépayse et ça nous intéresse encore. »   

Comme les trois quarts de la population du Vietnam, la majorité des auteurs vietnamiens contemporains sont nés après la fin de la guerre, à l’âge de la mondialisation. Ils font leurs études à l’étranger, voyagent beaucoup, concrètement mais aussi de manière virtuelle, par Internet. Et ils se sentent bien plus libres que leurs aînés. Aussi la « littérature de terroir » à laquelle fait allusion Dominique de Miscault tend-elle à disparaître. Peut-être, mais pour Gérard Chapuis, traducteur de son état, c’est justement dans les problèmes nés de la traduction que résident ces difficultés à faire connaître la littérature vietnamienne en France.   

« Il y a deux types de traducteurs. Le traducteur en langue étrangère vers le Vietnam (dịch xuôi). Et le traducteur en langue vietnamien vers l'extérieur, une langue étrangère. Donc nous sommes en position d'infériorité par rapport à d'autres traducteurs qui font une traduction "dịch xuôi". Le fait de faire une traduction "dịch xuôi" est très facile pour eux d'avoir des lecteurs puisque le Vietnam compte 90 millions d'habitants. Tandis que de notre côté, nous, on traduit ce qu'on aime. Et est-ce que c'est sure que l'étranger aime la même chose? Les grands noms de notre littérature ou pas ? C'est pour ça que nous sommes en difficulté dans ce sens là. Et ce n'est qu'avec la persévérance qu'on est capable de tenir le coup. »   

Un pays, une langue, une culture, un mode de pensée différents… Pas facile pour la littérature vietnamienne de percer en France. Si Guillaume Musso et Marc Levy, avec leurs romans plutôt légers et faciles à lire, font un carton au Vietnam avec entre 6.000 et 7.000 exemplaires vendus, un très bon score pour le pays, on ne peut pas en dire autant de Thuân ou Nguyen Viet Ha en France, en Belgique et en Suisse francophone. Il faut dire que les éditeurs n’investissent qu’à coup sûr dans l’achat des droits, la traduction et l’impression. Pas question, pour eux, de prendre des risques, et surtout pas celui de perdre de l’argent !...  Gérard Chapuis toujours:

« Moi j'ai reçu un recueil de poésie de Huu Thinh. Il y a des poésies à cinq vers. Je pense si je peux traduire, à mon avis, ça me prendrait au minimum un jour. Mais pour lui donner et de dire que "c’est nickel, vous pouvez l'imprimer", il me faut minimum de six mois à un an. Et c'est impossible de traduire un poème à la manière d'un interprète. C'est impossible parce qu'on risque de galvauder l'idée, le sens de cet événement. »          

Certes, la littérature vietnamienne a évolué et elle est difficilement traduisible. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle est moins intéressante. Peut être, la solution de ces problématiques demeure dans la mondialisation elle même. Il y a de plus en plus de francophones qui viennent au Vietnam pour découvrir le pays et sa culture. C’est sans doute sur eux que l’on doit compter. De nombreux séminaires, conférences sur la littérature vietnamienne ont été organisés au Vietnam et en France dans le but de faire découvrir le nouveau « Vietnam ».  Reste à savoir si les auteurs vietnamiens pourront vraiment en profiter pour mettre un pied à l’ouest.  

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