Thierry Michel: «L'homme qui répare des femmes»

(VOVWORLD) - Thierry Michel est un réalisateur de cinéma belge, essentiellement connu pour ses documentaires politiques et sociétaux. Il est venu à plusieurs reprises au Vietnam pour donner des formations sur les documentaires, les films ou sur le journalisme. Son dernier voyage au Vietnam remonte il y a deux mois, pour le festival de films documentaires européens à Hanoi et à Ho Chi Minh-ville qui mettait à l’honneur une de ses réalisations, «L'homme qui répare des femmes».
Thierry Michel: «L'homme qui répare des femmes» - ảnh 1Le cinéaste belge Thierry Michelle - Photo alchetron.com

Thierry Michel: Je donne des cours de cinéma à l'université. Et j'ai fait des films dans de nombreux pays et sur plusieurs continents. Je n'ai pas compté le nombre de pays mais cela va de l'Amérique latine à l'Iran, de la Somalie au Congo, du Maroc à la Russie, du Brésil à la Belgique. Je m'intéresse à l'homme, à la vie simple, à la société, mais surtout à comment les hommes vivent en société, dans des situations très variées. J’ai tourné par exemple en Belgique dans les prisons pour voir la vie ou la survie en milieu carcéral. Mais je me suis aussi intéressé à comment les gens vivent dans des hôpitaux en Afrique, dans des bidonvilles au Brésil ou au Congo. En Iran, j’ai pu filmer comment la population vivait dans un système politique religieux. J’ai aussi tourné en Russie à l'époque de l’URSS, toujours pour montrer la vie des gens. Je m'intéresse à toutes les formes d’adaptation de l’homme selon l'histoire de son pays, de sa région, de son siècle.

VOV5 : A travers vos films, est ce qu'il y a un message à faire passer au spectateur?

Thierry Michel: Moi, je pense que d'abord, il faut observer pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe dans le monde, autour de soi, parfois plus loin. Pour mon dernier film, j’ai filmé une école à 15 km de chez moi. J’ai suivi pendant un an une classe de 17 élèves pour voir comment ils allaient vivre leur année scolaire. Parfois je m’oriente vers un format cinématographique comme ce qui est présenté ici, pour ce festival au Vietnam. C’est quelque chose de beaucoup plus tragique, ce n'est pas une chronique, c'est une tragédie sur la guerre. Le Vietnam a connu la guerre même si maintenant, il vit une période de paix. Mais le centre de l'Afrique ou la RDC vivent une période de guerre depuis 20 ans. Et les femmes sont les victimes de la violence des hommes. Dans certaines guerres, le corps de la femme devient un champ de bataille et le viol fait malheureusement partie des pratiques qui ont lieu en cette période troublée. Je suis donc allé à la rencontre de ces femmes pour voir comment elles allaient se reconstruire personnellement. Je pense que dans tous mes films, il y a toujours cette volonté de montrer que même s'il y a dans le monde des périodes dures, de l'adversité, de la violence, il y a toujours aussi chez l'homme le bon côté, la dignité, la résistance, la recherche d'identité ou de solidarité collective. Voilà, c'est s'interroger sur l'être humain sur ses bons et ses moins bons côtés.

VOV5 : Et alors pourquoi le Vietnam? Pourquoi ce festival?

Thierry Michel: Je suis invité mais il y a d'autres raisons. J’ai présenté un film, qui je pense, a été présenté dans plus de 40 pays dans le monde et qui a obtenu 16 prix dans 16 pays différents. Cela va de l'Algérie au Mexique en passant par Los Angeles, Montréal, Paris ou Bruxelles. Mais le Vietnam est un pays auquel je tiens beaucoup parce que j'ai été invité comme enseignant, professeur de cinéma, expert, où j’ai animé des séminaires depuis quatre périodes déjà. C’est donc devenu un pays ami dans lequel je compte des amis cinéastes. Je suis très heureux de les avoir retrouvés et j'étais invité pour le festival en proposant de redonner un bref séminaire, moins long qu’à l’accoutumée. Me voilà donc, pour repartager mon expérience avec d'autres cinéastes ici, durant deux jours. Je me sens très heureux de cette nouvelle rencontre et j'ai à nouveau reçu un accueil extrêmement chaleureux de mes amis du studio. Chaque fois c’était un bonheur absolu de voir cette fraternité entre cinéastes de deux pays et de deux continents différents.

VOV5 : Est ce que vous avez des projets dans l'avenir au Vietnam? Le Vietnam est un pays qui a connu les côtés néfastes du monde. C'est-à-dire les guerres, les difficultés...

Thierry Michel: Les cinéastes vietnamiens font ces films, ce qui n'est pas le cas au Congo où les cinéastes locaux n’ont pas les moyens de les réaliser et qui de toute façon, n’en prennent pas le risque. Parce que c'est vrai que les risques que j'ai pris au Congo, en tant qu’étranger, je pouvais les prendre. Je pense que la plupart des cinéastes africains qui auraient fait ce film seraient morts aujourd'hui pour des raisons politiques très claires. Mais ici, je pense que les vietnamiens font toujours des films sur leur pays. J'avais pensé à une époque faire un film sur le Mékong, pas seulement au Vietnam. Remonter le Mékong, Vietnam - Laos - Cambodge - Birmanie et Chine. Vous savez que ce fleuve traverse toute l'Asie du Sud-Est. C'est un projet très ambitieux, très cher, j'ai fait le même type de films sur le fleuve Congo qui est le deuxième plus grand fleuve du monde après le fleuve Amazone. Le tournage m’avait six mois, mais j’étais plus jeune. Les conditions étaient difficiles mais on restait dans un seul pays. Ici, administrativement parlant, il est très délicat de traverser autant de pays. Donc peut-être que je reviendrai un jour pour faire ce film, il reste dans ma tête mais pas dans l'immédiat, même si cela me plairait bien. Ce serait une découverte en profondeur d’un fleuve, par les paysages et la géographie d'un pays. On remonterait aussi l'Histoire parce que le fleuve témoigne des grandes civilisations qui se sont succédées. Je pense qu'en Asie, comme ailleurs dans le monde, ces civilisations ont commencé sur les rives des fleuves parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de route, de chemins de fer ni d’avions et les gens circulaient donc sur les fleuves. C'est comme cela que la Mésopotamie a créé sa civilisation, tout comme d'autres pays.

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