Le Têt des Tày

(VOVWORLD) - Les Tày, une des communautés ethniques du Nord Vietnam, accueille le Nouvel an lunaire en même temps que les Kinh majoritaires. Mais ils ont des rites qui leur sont propres qu’ils préservent depuis des générations.

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Repas de retrouvailles (Photo: VOV)

Direction Binh Liêu, un district montagneux de la province de Quang Ninh. Au dernier jour de l’année lunaire, la famille de La Thi Hông se retrouve au grand complet. Dès le petit matin, son fils cadet a ramené de la forêt un beau bambou au tronc tout droit et au feuillage touffu qu’il a érigé sur la terrasse. Son fils aîné et sa femme ont rangé et nettoyé la maison, et les meubles dépoussiérés ont repris leur éclat. Des morceaux carrés de papier rouge ont été collés sur l’autel des ancêtres, sur la porte principale et sur les arbres. Dans un coin de la maison, la pioche, la charrue et le panier de paddy sont rangés, «scellés» aussi d’un papier rouge carré, qui est pour les Tày une sorte d’ordonnance de repos méritée après une année de travail.

Le plateau d’offrandes comprend plusieurs sortes de gâteaux de riz, dont l’incontournable banh chung tubulaire fait de riz gluant, de viande de porc, d’haricot mungo et de feuilles de com lông, une herbe aromatique qui pousse abondamment dans la région, le tout emballé dans des feuilles de phrynium. Outre ces banh chung tubulaires, ils confectionnent aussi des gâteaux de riz gluant, sans farce, en forme de corne de bœuf, pour les enfants et pour les âmes errantes.

«Le jour du Réveillon, je présente sur l’autel des ancêtres un plateau d’offrandes composé d’un banh chung, d’un poulet, d’un morceau de viande et de plusieurs tasses d’alcool», nous dit La Thi Hông. «C’est le jour des retrouvailles, du bonheur absolu».

Chez Luong Thiêm Phu, après le dîner, toute la famille de retrouve autour du feu. En racontant à ses descendants des contes anciens, M.Phu taille une branche de mûrier de façon à en faire une branche de petites fleurs branches qu’il va utiliser lors de la cérémonie de prise d’eau le lendemain. Avant minuit, ses descendants auront regagné leurs cocons pour pouvoir se lever tôt au Jour de l’An. Ils prépareront alors du riz gluant cuit à la vapeur, un riz teinté du jaune du fruit du gardénia, et accrocheront les petits gâteaux de riz de forme de corne de buffle sur la porte, pour les partager avec les âmes errantes.
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Toute la famille se dirige vers le ruisseau pour la cérémonie de prise d’eau (Photo: VOV)

Après quoi, toute la famille se dirige vers le ruisseau pour la cérémonie de prise d’eau, la plus importante des Tày. Luong Thiêm Phu s’arrête à la source, où l’eau est aussi limpide que fraîche, plante sa branche de mûrier, à côté de laquelle il pose une assiette de riz et de l’argent votif. Il brûle des bâtonnets d’encens en priant: «la prise de l’eau du sud assure la richesse, la prise de l’eau de l’est assure l’abondance». Son fils et sa bru utilisent pour leur part l’écorce du mûrier pour emballer des galets qu’ils emmèneront chez eux comme si on tirait des bétails, avant de les jeter dans l’étable.

«L’eau que nous prenons à la source sert essentiellement au lavage du visage, ce qui est censé nous assurer une bonne santé l’année durant», explique Lê Thiêm Phu. «Nos enfants tirent les bétails-galets à la maison. Arrivés à la porte, ils demandent à haute voix : Papi, mamie, papa, maman, voulez-vous des bétails et des biens? Nous leur répondrons ainsi: Mais bien sûr, ramenez tous les bétails, toutes les volailles que vous pouvez pour que notre famille soit prospère et que tout le monde soit en bonne santé».

Le plateau d’offrandes du Jour de l’An, composé de plats sucrés et végétariens, est spécifiquement réservé aux parents décédés du maître de céans. Les Tày ne mangent de viande que l’après-midi. Ce jour-là, ils s’abstiennent d’aller chez les autres, de tuer des bêtes, de pleurer, de verser de l’eau d’en-haut.

Le deuxième jour de l’année lunaire est dédié à la famille de la femme mariée, nous fait savoir La Thi Lành, la nouvelle bru de Lê Thiêm Phu.

“Je prépare un coq castré, des banh chung confectionnés maison, des étrennes, des fruits et des fleurs pour les apporter chez mes parents et mes cousins. Pour nous, le Têt est l’occasion d’exprimer notre reconnaissance envers nos parents et notre attachement à la famille», indique-t-elle.

A la maison, les Tày reçoivent leurs invités et échangent les meilleurs vœux. Dehors, dans la forêt, les jeunes gens et les jeunes filles endimanchés se promènent et échangent des chants amoureux. Sous la pluie fine printanière, les joues semblent devenir plus roses et les yeux, plus pétillants…



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