Traduire le Kieu : conquérir une forteresse culturelle

(VOVworld) - Le Kieu du grand poète Nguyen Du est un chef d’oeuvre du 19ème siècle, souvent considéré comme le joyau culturel vietnamien. Sa traduction en langues étrangères est donc un travail extrêmement difficile. Grâce aux efforts  d’amoureux inconditionnels de la culture vietnamienne, le Kieu a déjà été traduit dans plus de 20 langues et devrait susciter d’autres vocations.

 

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A 23 ans, Jan Komárek, de l’Université Charles, à Prague, en République tchèque, a traduit 200 vers du Kieu en tchèque. Son travail a été récompensé par le prix des jeunes traducteurs de moins de 35 ans, décerné par la République tchèque. Malgré les relations étroites entre les deux pays et la présence de quelque 60.000 Vietnamiens en République tchèque, les échanges culturels bilatéraux ne sont pas très importants, déclare Jan Komárek. Côté littéraire, seuls les poèmes de Ho Xuan Huong, le Kieu et le Carnet de prison du président Ho Chi Minh ont été traduits en tchèque. Il existe deux versions du Kieu traduites du français en tchèque, datées de 1926 et de 1958. Jan Komárek est donc le premier à avoir traduit le kieu du vietnamien en tchèque. Jan Komárek :

« J’avais lu le Kieu en tchèque, avec une vieille version traduite du français. J’aimais bien le sujet, mais j’ai trouvé que la qualité de la traduction laissait à désirer. J’ai pensé que je pourrais faire mieux en utilisant comme référence la version en anglais de Huynh Sanh Thong, les textes expliquant le Kieu en vietnamien et le dictionnaire du Kieu de Dao Duy Anh. »

La traduction du Kieu n’est jamais facile, même pour les Vietnamiens de l’étranger comme Truong Hong Quang qui vit en Allemagne. Il explique qu’en 1951, le président Ho Chi Minh a offert une version du Kieu traduite du sino-vietnamien en vietnamien par Truong Vinh Ky à un journaliste allemand, Franz Faber qui se trouvait au Vietnam pour couvrir la campagne de Dien Bien Phu. Amoureux de la culture vietnamienne, Franz Faber et sa femme avaient entrepris de traduire l’ouvrage en allemand. Cette version publiée en 1964 et rééditée en 1980 a été perdue. Truong Hong Quang et un groupe de traducteurs ont décidé de collecter tous les renseignements possibles pour rétablir la version perdue. Truong Hong Quang :

« Les générations suivantes pourraient faire une autre traduction du Kieu. Notre objectif est de rééditer la traduction de Franz Faber en version bilingue. En Allemagne, il y a environ 120.000 Vietnamiens dont ceux de la deuxième génération. Ces personnes bilingues ont besoin de lire le Kieu. Je pense que ce sera une expérience intéressante pour elles de le lire en version bilingue et de retrouver leur origine culturelle. »

Nguyen Huy Hoang, un autre traducteur, cherche lui, depuis plus d’un an, à trouver du financement pour la traduction du Kieu en russe.

« Notre groupe de traducteurs comprend des Vietnamiens et des Russes. C’est un travail collectif qui permettrait à la Russie, une puissance culturelle, de mieux comprendre notre culture. C’est en quelque sorte un devoir pour nous tous et surtout pour moi, qui est originaire de Nghe, la région natale du poète Nguyen Du. »

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Le Kieu-version en sud coréen

En général, les traducteurs cherchent à rester fidèles à la version originale mais  pour que le Kieu soit accessible au public russe, ils seront toutefois contraints de modifier un peu sa forme d’expression.  Nguyen Huy Hoang :

« Un bon traducteur doit à la fois être bon en langue étrangère, en vietnamien et dans un domaine spécifique. Mais cela n’est pas toujours suffisant pour traduire le Kieu qui est une forteresse culturelle. Nous cherchons donc d’abord à surmonter les difficultés linguistiques puis à simplifier son contexte culturel pour que le lecteur puisse comprendre le Kieu dans son ensemble. Dans notre groupe, les Vietnamiens sont en charge de déchiffrer le texte en russe puis les Russes de le mettre en vers. »

Pour traduire le Kieu, il faut non seulement surmonter les difficultés linguistiques, mais maîtriser aussi toutes les subtilités de la langue et de l’histoire vietnamiennes, ses dictons, ses dialectes, les allusions historiques et littéraires... C’est pourquoi la promotion du Kieu et de la culture vietnamienne en général nécessite des efforts considérables et une stratégie à long terme.

 

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