(VOVWORLD) - Chez les Ede, la jarre est un objet sacré. Ils la
considèrent comme un membre éminent de leur famille. Plus qu’un symbole de
richesse et d’abondance, c’est un élément indispensable à toutes les cérémonies
de culte. Certaines familles Mdhur et Blo, deux sous-groupes Ede de la province
de Dak Lak, préservent encore une tradition qui consiste à invoquer les
divinités chaque fois qu’ils ont fait l’acquisition d’une jarre précieuse ou
bien avant d’en vendre ou donner une.
Photo H'Xiu/VOV
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La saison sèche vient de commencer. Nous voilà chez
Y Wut Mlô, à Krông Jing, une commune rattachée au district de M’drak. Dans ce
qui tient lieu de salle de séjour, des jeunes aident des artisans et des
personnes âgées à installer une perche rituelle où seront accrochés des
récipients d’alcool et des gongs. Dans la cuisine, des femmes préparent des
plats, et des hommes d’un certain âge cuisent un porc.
Toutes ces personnes sont venues aider Y Wut Mlô à
préparer la cérémonie de culte qu’il a décidé d’organiser en l’honneur d’une
jarre précieuse, acquise au terme d’une année faste.
«Nous avons fait
l’acquisition d’une nouvelle jarre et nous organisons aujourd’hui une cérémonie
pour accueillir son âme, pour l’adopter en tant que nouveau membre de la
famille», nous dit Y Wut Mlô. «C’est une vieille tradition qui n’est plus vraiment en usage, mais à
laquelle nous tenons. Nous souhaitons que les jeunes générations connaissent
les coutumes de nos ancêtres».
Dans les croyances Ede, peuple animiste s’il en est,
toute chose a son âme et la jarre est un objet à la fois proche et sacré.
Récipient d’alcool, elle est indispensable à toutes cérémonies de culte et
utilisée dans toutes les réceptions importantes. Elle peut être un cadeau ou un
don de valeur. L’acquisition d’une nouvelle jarre chez les Ede équivaut à
l’adoption d’un nouveau membre de la famille. Aussi organisent-ils une
cérémonie pour l’intégration de la jarre dans la famille et pour qu’elle la
bénisse. Les offrandes comprennent un porc castré, trois grandes jarres
d’alcool, trois colliers en verroterie, six boucles en cuivre, trois tasses en
cuivre, trois bols en cuivre et un plateau, toujours en cuivre… Autre élément
indispensable: un Melia azedarach, arbre à
feuillage caduc de la famille des Meliaceae, qui sert d’intermédiaire entre les
communs des mortels et les divinités.
Photo H'Xiu/VOV |
Une fois les offrandes installées,
un chaman conduit la cérémonie au nom du maître de céans. Il prie d’abord pour
les biens des ancêtres, puis des divinités, ensuite de la jarre et enfin, de la
famille. La cérémonie vise à tenir informées les divinités de l’adoption par la
famille de la nouvelle jarre. Le génie habitant la jarre est invité à intégrer
cette famille et à se solidariser avec les autres membres. Tout en priant, le
chaman accroche sur la jarre des colliers et des boucles comme s’il parait un
nouveau membre de la famille, qui sera désormais traité avec amour et respect.
C’est la première fois que le jeune
Y Bon Mlô assiste à pareille cérémonie.
«J’observe
les seniors avec intérêt puisque je tiens vraiment à ces traditions», confie-t-il. «J’ai pris note de tout,
la façon d’abattre le porc, de préparer le plateau d’offrandes, la façon
d’accrocher les récipients d’alcool, les prières du chaman… Toutes ces notes
permettront de reconstituer la cérémonie non seulement pour ma famille mais aussi
pour les générations futures».
La partie rituelle terminée, un gong retentit. C’est
le remerciement adressé par la famille d’Y Wut Mlô à tous les villageois
de l’avoir aidée à organiser la cérémonie. Dans une ambiance de liesse, tout le
monde se retrouve autour de jarres d’alcool pour siroter ce liquide enivrant à
l’aide de chalumeaux et partager le festin donné par la famille qui vient
d’accueillir un nouveau membre.