Établir les fondements d’une croissance durable

Le forum des entreprises vietnamiennes - une activité annuelle organisée en marge de la conférence du groupe des bailleurs de fonds - s’est ouvert aujourd’hui à Hanoi. A la différence des années passées, l’accent doit être mis sur la restructuration économique, la question du montant des aides publiques au développement étant reléguée au second plan. Quant au mot d’ordre du forum, il est simple : « garantir la pérennité du développement économique national ».

Selon le rapport sur le développement économique du Vietnam, qui a été présenté par la banque mondiale mercredi dernier, la macro-économie vietnamienne a pu se stabiliser, grâce aux efforts déployés par le gouvernement. Plusieurs mesures, et notamment la résolution numéro 11 du gouvernement qui est consacrée pour une large part à la stabilisation macro-économique, ont commencé à prendre effet. Et parallèlement, l’inflation - l’un des deux autres enjeux de la résolution citée précédemment - commence à marquer le pas. On note aussi une forte croissance de l’industrie et des services, deux secteurs qui contribuent pour une bonne part à la croissance générale. Quant au secteur bancaire, autre secteur ayant contribué à l’embellie économique, il a déployé des politiques monétaires rigoureuses et prudentes, renforcé le contrôle des moyens de paiement et des crédits, en faisant en sorte que ces derniers restent toujours inférieurs aux dépenses gouvernementales. Grâce à toutes ces avancées, le gouvernement peut sereinement envisager ses politiques de stabilisation économique dans les temps qui viennent. Depark Mishra, économiste à la Banque mondiale, estime : « En 2011, malgré le ralentissement de l’économie mondiale, le Vietnam est parvenu à freiner l’inflation, et même à la faire reculer vers la fin de l’année. Les mesures macro-économiques adoptées ont donc pris effet. Quant aux taux d’intérêts élevés, ils commencent à baisser, ce qui montre que la politique de contrôle financier et monétaire du Vietnam est efficace. »

On observe donc une certaine stabilisation, mais une stabilisation fragile : de l’avis des économistes, il serait prématuré, pour le Vietnam, de pousser un soupir de soulagement. A moyen et à long terme, le pays devra faire face à de nombreux défis, comme le déficit budgétaire ou les dettes étrangères élevées, bien qu’elle soient encore en deça du seuil toléré. Mais surtout, l’augmentation rapide des crédits ces dernières années, couplée à des taux de prêts élevés et à une gestion hésitante, est un facteur de risque majeur. Selon Victoria Kwakwa, la directrice de la Banque mondiale au Vietnam, le talon d’Achille du pays n’est autre que son secteur financier. Le pays est donc appelé à restructurer son système bancaire, et à faire de cette tâche l’une de ses plus grandes priorités de l’heure. Une bonne restructuration du secteur financier aidera le pays à pérenniser son environnement macro-économique et à établir les fondements d’une croissance durable. Victoria Kwakwa souligne : « Plusieurs questions doivent être soulevées comme le règlement des mauvaises dettes des banques. Il faut appliquer des mesures pour faire des banques ayant suffisamment de capitaux des banques fiables et pour régler les cas de crédits difficiles à rembourser. Les risques bancaires doivent être évalués en se basant sur les analyses économiques, qui servent de fondement à la sécurité du système bancaire. Le travail d’inspection et de supervision des banques est très important. C’est ce qui doit permettre à la banque d’Etat de détecter tôt les mauvais signes  et d’éviter ainsi tous les risques. »

Toujours selon Victoria Kwakwa, la banque mondiale, le fonds monétaire international et le centre financier international ont discuté avec le gouvernement vietnamien pour élaborer un programme d’évaluation du système bancaire vietnamien, afin d’avancer des programmes de réforme. Parallèlement à la restructuration du système financier et bancaire, la restructuration des entreprises étatiques constitue aussi l’un des 3 secteurs du paquet de restructuration économique rendu public par le gouvernement vietnamien. Cette restructuration des entreprises étatiques a d’ailleurs été largement débattue lors  du forum des entreprises vietnamiennes et de la conférence du groupe des bailleurs de fonds. Cette restructuration doit être menée phase par phase, et être liée à la restructuration des systèmes financiers et bancaires, et des investissements publics, question d’efficacité. Cette restructuration doit aussi permettre de renforcer le développement économique national. Lê Hải Mơ, directeur adjoint de l’Institut de Stratégie estime : « Il faut restructurer les entreprises étatiques et déterminer les secteurs dans lesquels leur présence est nécessaires. Les entreprise étatiques ont vocation à soutenir le développement des différentes composantes économiques, à participer au renforcement du processus de restructuration et au rehaussement de la compétitivité de l’économie nationale. »

La croissance économique du Vietnam devrait atteindre cette année 5,8%. C’est un chiffre impressionnant, si on le jauge à l’aune du ralentissement de l’économie mondiale. Mais actuellement, le Vietnam doit accorder la priorité à la restructuration de son économie, ce qui revient à dire qu’à court terme, il faudra donner un coup de frein à la croissance. Dans ce contexte, les participants à la conférence du groupe de bailleurs de fonds devront identifier les problématiques de la croissance pour faire en sorte que le Vietnam puisse s’affranchir progressivement des aides étrangères et devenir autonome sur le plan financier. Admettre cette nécessité, c’est admettre que les aides internationales puissent se décliner sous forme de transferts technologiques, de partages d’expériences ou de formations de ressources humaines. « Donne un poisson à un homme, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie ». Pour le Vietnam, qui est désormais un pays à revenus moyens, cette célèbre sentence est sans nul doute à méditer.

Anh Huyen

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