L’auto-défense collective : un tournant majeur dans l'histoire du Japon

(VOVworld) – La coalition au pouvoir, dont le Parti libéral-démocrate et son allié du Nouveau Komeito, a officiellement approuvé une résolution sur le droit à l'auto-défense collective, ce mardi, jour symbolique qui marque le 60ème anniversaire de la création des « Forces d'auto-défense », le nom officiel de l'armée nippone. Rappelons que le Japon s'est vu imposer en 1947 une Constitution pacifiste, dont l'article 9 consacre la renonciation « à jamais » à la guerre. Ce changement constitue un tournant majeur dans l'histoire du pays depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

L'article 9 de la Constitution japonaise de 1947 stipule : « Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux. Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l'État ne sera pas reconnu. »

Cet article limite les capacités défensives de Tokyo et empêche sa participation au maintien de la sécurité dans la région. Le gouvernement nippon entend amender l’article 9. Toutefois, cette révision doit être introduite à l'initiative de la Diète (le Parlement bicaméral) par un vote des deux tiers au moins des  membres de chaque chambre. Elle doit ensuite être approuvée par référendum avec une majorité des suffrages exprimés.


Plus de potentiel défensif

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Au regard des évolutions complexes de la scène internationale, mais aussi de la concurrence des forces entre les puissances en Asie-Pacifique, cette ré-interprétation de la Constitution pacifiste du pays permet au Japon, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, de ré-autoriser ses forces armées à intervenir hors de leurs frontières. Officiellement, Tokyo se dote d’un droit à l’«auto-défense collective» qui lui permettra de venir en aide à un allié, qui serait attaqué ou menacé par une autre nation. Cette nouvelle lecture doit aussi assouplir les règles d’engagement des forces japonaises dans les opérations de maintien de la paix organisées par l’ONU.

En effet, la participation de Tokyo aux activités militaires régionales va inévitablement créer un grand changement dans la balance des forces en Asie. Selon Alan Dupont, professeur à l’Université australienne New South Wales, il s’agira du plus grand changement de l’histoire du Japon, après la naissance de ses Forces d’auto-défense en 1954. Le pays se conformera aux standards mondiaux sur la sécurité, affirme quant à lui l’ancien diplomate japonais Kunihiko Miyake. De l’avis de Narushige Michishita, de l'Institut national des hautes études politiques (GRIPS), cette modification majeure permet au Japon de se défendre.

Les alliés disent « oui », les Japonais disent « non »

Les alliés de Tokyo plaident pour un Japon plus fort et plus actif sur la scène asiatique. Les Etats-Unis y voient une présence plus équilibrée au niveau de leur alliance militaire avec le Japon. L’Australie et Les Philippines soutiennent aussi cette initiative. Au cours d’un récent entretien avec son homologue japonais, le ministre des Affaires étrangères cambodgien a souhaité une contribution plus importante du Japon dans le processus du maintien de paix et de sécurité internationale.

De son côté, la Chine s’est déclarée vigilante quant aux « vraies intentions » du Japon. La République de Corée reconnaît pour sa part le droit à l’auto-défense de Tokyo, mais renonce à la participation de ses Forces d’auto-défense dans le conflit en péninsule coréenne, sans la proposition directe de Séoul.

Si la ré-interprétation de la Constitution est saluée par ses alliés, elle horrifie une partie de la population japonaise qui y voit une remise en cause totale de l’idée de renonciation à la guerre inscrite dans l’article de 9 de la Constitution de 1947. Les derniers sondages, réalisés par les quotidiens Manichi et Nikkei, démontrent que plus de la moitié des Japonais restent fermement attachés à cette charte pacifiste et se disent opposés à la participation des soldats japonais à toutes actions militaires extérieures. Un jour avant l’adoption par la coalition au pouvoir d’une résolution sur le droit à l'auto-défense collective. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant les bureaux du Premier ministre pour protester contre sa politique de défense, aux cris de « Pas de guerre ! »

Face à cette opposition mais plus encore au vu de la complexité juridique pour réformer la Constitution, le Premier ministre Shinzo Abe et son allié du Komeito devront redoubler d’efforts pour convaincre la population de ne pas faire barrage à leurs projets.

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