L’attente malheureuse: quand tout s’écroule
Trois semaines avant le jour J
Le plan de salle du concert Em Xinh Say Hi au stade My Dinh. Photo: Comité d’organisation
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"EARLY BIRD - SOIRÉE 2 EN VENTE!" L’annonce est apparue. Avec deux amies, nous avons fixé l’horloge, compté les secondes avant de rafraîchir Ticketbox à midi pile. Objectif: profiter de la réduction de 10%, économiser un peu pour un bon repas ensemble. Malgré nos efforts, aucun de nous trois n’a réussi à acheter les billets dans la zone souhaitée. À 15 heures, je suis retournée sur le site: billets au prix plein.
Quelques jours plus tard, TPBank a lancé des vouchers à 30%. Les quantités étaient dites limitées… mais pas tant que ça. Les premiers acheteurs se sont sentis trahis.
Deux semaines avant le jour J
Début octobre, le vietnam a été frappé par trois typhons successifs: Ragasa, Bualoi et Matmo. Hanoi s’est retrouvée sous l’eau, comme en 2008. Sur les réseaux, les photos du stade My Dinh inondé circulaient partout. On le surnommait “la baie de My Dinh”.
Pendant deux semaines, le ciel a joué avec nous: deux jours de pluie torrentielle, puis un jour de soleil, avant que tout recommence. Jusqu’au jour même du concert.
Le jour du concert
9 heures avant: il pleuvait encore, fort. My Dinh était inondé. Dans neuf heures, l’eau aurait-elle le temps de se retirer?
3 heures avant: l’eau s’était retirée. Mais la foule n’était pas au rendez-vous. Lors du concert Anh Trai Say Hi, la file d’attente débordait jusque sur la route. Cette fois, le nombre était modeste. J’ai claqué la langue, persuadée que tout le monde était déjà entré.
Avant le début, le comité d'organisation a lancé un appel à soutien pour les victimes du typhon Bualoi et Matmo. Photo: Quynh Anh |
1 heure avant: nous étions enfin assis. J’ai remarqué immédiatement les “zones grises”. Les places ne s’étaient pas toutes vendues. Cruel constat, d’autant plus que la scène, installée latéralement à cause des travaux, avait déjà réduit la capacité du stade.
Quand l’excellence prend le dessus
19h30. Le compte à rebours a résonné. L’explosion.
Des dizaines de milliers de bras se sont levés simultanément, les lightsticks se sont allumés en vagues violettes. Les chansons se sont enchaînées sans que je sache dans quel ordre. Tout devenait flux, couleurs, battements de cœur: Từng (Autrefois), Easier, Cầm kỳ thi họa (Musique, échecs, poésie et peinture), Quả chín quá (Fruit trop mûr), Đồng dao xinh gái (Comptine des belles)…
Juky San, Miu Lê, Ly Ly et Danmy dans le numéro «We Belong Together». Photo: Quynh Anh |
Au milieu de cette euphorie, le public guettait les grands moments, ces chansons repères, celles qu’on attendait depuis le début.
Et puis, Bắc thang lên hỏi ông trời (Seul Dieu le sait). Une lumière dorée est descendue sur le stade. Cinq “sœurs Hằng” sont apparues, leurs voix glissant sur les accords d’une gamme pentatonique vietnamienne.
L’écran LED du numéro «Bắc Thang Lên Hỏi Ông Trời» a marqué par sa mise en scène visuelle. Photo: Quynh Anh
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Puis Cứ đổ tại cơn mưa (C’est la faute de la pluie): sur scène, les lightsticks bleus ondulaient au rythme du refrain. Les fanchants montaient, puissants, presque océaniques.
Puis Không đau nữa rồi (Je n’ai plus mal): sans que personne ne le demande, tous ont levé leurs lightsticks. Un moment suspendu: il ne restait que la voix, le souffle… et quelques larmes.
Puis vint Vô Tay (Frappe les mains): dès les premières notes, la foule applaudit pour de bon. Une performance solo inattendue, d’autant que Phuong Ly ne faisait pas partie du Top 5.
Phương Ly dans sa performance solo. Photo: Quynh Anh
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Et enfin, Best of Luck, la scène secrète dédiée au début du Top 5.
Ce ne sont plus des souvenirs alignés, mais des éclats de lumière, des émotions qui refusent l’ordre chronologique. Des moments qu’on ne raconte pas, qu’on revit.
Quand les artistes parlent avec le cœur
Lorsque la musique s’est apaisée, les micros ont circulé. Voici quelques mots, simples mais sincères, qu’elles ont partagés ce soir-là.
Bich Phuong, douce mais déterminée, a parlé de connexion et d’amour:
"Le programme Em Xinh Say Hi est comme un pont. Un pont qui me relie à mes consœurs, au public, et peut-être à moi-même aussi. Pendant longtemps, j’ai eu l’impression d’être déconnectée de tout. Mais jour après jour, sur ce pont, j’ai ressenti énormément d’amour. Ces jours d’été 2025 resteront avec moi pour toujours", a-t-elle dit.
Juky San a raconté une rencontre au ministère de la Sécurité publique qui l’a marquée:
"Ce jour-là, j’ai entendu madame Vinh, membre des forces de maintien de la paix de l’ONU. Je me suis dit: “Comment une femme si petite peut-elle accomplir des choses aussi grandes?” En repensant à mon parcours dans Em Xinh Say Hi, depuis le moment où j’étais considérée comme fade jusqu’à briller aujourd’hui, je n’ai jamais abandonné. Je le dis à tous: quel que soit votre métier, homme ou femme, même si vous devez avancer en pleurant, n’abandonnez jamais", a-t-elle raconté.
My My, émue, a évoqué le parcours pour dépasser ses propres limites:
"Pour arriver à ce concert à Hà Nội, les filles et toute l’équipe ont rencontré énormément de difficultés, externes et internes. Pouvoir me tenir ici, c’est presque un miracle. Je ne sais pas quand j’aurai à nouveau la chance de chanter sur une scène aussi grande. Alors je chéris chaque seconde et je remercie tous ceux qui sont venus", a-t-elle partagé.
Em xinh My My sur l'écran. Photo: Quynh Anh |
Et puis, un murmure de Liu Grace a traversé la foule:
"Jusqu’à cet instant, je n’arrive pas à croire qu’il n’y ait pas de boîte cadeau ouverte au milieu de la scène… ou peut-être que les organisateurs veulent nous surprendre? Et si, tout à l’heure, cette boîte s’ouvrait pour annoncer le prochain concert?", a-t-elle confié.
Quand l’excellence ne suffit pas
Lancé après le succès retentissant d’Anh Trai Say Hi, le programme Em Xinh Say Hi naît avec l’ambition de prolonger le phénomène dans l’univers Say Hi. Mais dès sa diffusion, les chiffres parlent: moins de buzz sur les réseaux, moins d’audience, et des critiques rapides sur son incapacité à “saturer” l’espace médiatique comme son prédécesseur masculin.
Lorsque vient le temps des concerts, le contraste devient brutal. “Anh Trai” (Les garçons) remplit les salles en quelques heures, multiplie les dates jusqu’à une huitième soirée, s’envole même pour Los Angeles. “Em Xinh” (Les jolies jeunes filles), elles, peinent à remplir le stade My Dinh: seulement 8 des 13 secteurs vendus pour la deuxième soirée, malgré une réduction de 30% (du jamais-vu, quand les billets early bird n’en offrent habituellement que 10%). Face à ces données, une conclusion semble s’imposer: "Em Xinh" serait moins convaincant qu’"Anh Trai". Mais cette équation simpliste ne tient pas à l’analyse. Sur scène, dans la construction visuelle, dans la créativité musicale, les jeunes filles atteignent un niveau d’exigence rare, parfois même supérieur à leurs confrères masculins. Les décors — les fourmis géantes de Cách yêu đúng điệu (L’art d’aimer), les paysages futuristes de Chẳng phải anh đâu (Ce n’est pas toi) — témoignent d’une véritable recherche visuelle. Musicalement, Em Xinh osait la fusion: pop, dance, ballade, mêlées de sonorités traditionnelles. Une richesse rare dans les émissions musicales grand public.
«Cách Yêu Đúng Điệu» a été considéré comme le numéro au concept le plus original. Photo: Thuc Uyên |
Et pourtant… deux soirs seulement. Un à Hô Chi Minh-Ville, un à Hanoï, pour un voyage de six mois.
Je ne cherche pas à comparer, simplement à dire: ces filles méritaient plus que deux nuits.
Mais pourquoi une telle disparité?
Il y a une question que peu osent poser: celle du genre.
Dans l’industrie du divertissement, les artistes féminines doivent souvent prouver davantage pour obtenir la même reconnaissance. Les créations portées par des femmes affrontent un double standard: elles doivent être non seulement bonnes, mais exceptionnelles pour être jugées égales.
Et quand le succès commercial n’est pas au rendez-vous, ce n’est pas seulement l’audience qu’on remet en cause… c’est toute l’œuvre qu’on questionne.
Épilogue: “s(t)ay longer”, pas seulement “say hi”
Une soirée mémorable pour les fans qui ont suivi tout le parcours des 30 jeunes jolies filles. Photo: Thuc Uyên |
Et quand la dernière note s’éteint, les tribunes se vident doucement.
Je reste là, debout, au milieu de la foule qui s’effiloche, comme un rêve qu’on ne veut pas quitter.
Peut-être que, pour beaucoup, la saison 1 d’Em Xinh Say Hi s’achève ainsi: sur une pointe de mélancolie, avec ce sentiment doux-amer des choses trop vite passées.
Mais si la musique a un destin, alors elles reviendront.
Car ce qui s’est joué à My Dinh, ces deux soirs-là, n’avait rien d’un échec.
C’était l’histoire de femmes qui, malgré les tribunes clairsemées, ont offert une performance totale, absolue, inoubliable.
Et s’il n’y avait eu qu’un seul cœur enflammé ce soir-là, alors oui — le pari en valait la peine.