(VOVWORLD) - Laurent Demoulin est professeur de littérature française à l’Université de Liège, mais également romancier, poète et critique belge d’expression française. Son premier roman, intitulé Robinson, a remporté le prix Victor-Rossel 2017. Cet ouvrage, qui aborde la relation, forte et terrible en même temps, entre un père et son fils autiste, a été traduit en vietnamien et publié par Nha Nam.
La version vienamienne de "Robinson". Photo: Internet |
Robinson est le Oui autiste. Le narrateur est le Non autiste. C’est le père de Robinson. Oui raconte une suite de situations, de tranches de vie quotidiennes, parfois dramatiques, parfois cocasses, toujours remarquablement observées, ressenties et traduites en mots. Ça passe, littéralement, de la merde à l’illumination, des tourments à la joie. C’est cet aspect qui a retenu l’attention de Trân Thi Khanh Vân, la traductrice du roman.
Trân Thi Khanh Vân, la traductrice du roman "Robinson" |
«Ce qui m’a frappée en découvrant ce livre, c’est que l’auteur ne nomme pas l’enfant autiste, il parle de l’enfant ‘Oui autiste’ pour le distinguer des autres personnes ‘Non autistes’. Ce oui apporte bien sûr une touche de positivité et un regard neuf sur l’autisme, face auquel la créativité de chaque instant reste de mise», nous explique-t-elle.
Dans Robinson, le narrateur s’identifie à la fois au père et à la mère. C’est une évolution générale de la relation père-enfant, explique Laurent Demoulin, qui précise que le narrateur a connu cela avec d’autres enfants, mais que cette relation est amplifiée par la relation à l’enfant autiste qui a plus besoin du côté maternel que du côté paternel.
Laurent Demoulin. Photo: Nha Nam |
«Une fois que l’autisme est enclenché, il n’y a pas de choix, le père doit aussi se comporter comme une sorte de mère dotée d’une patience infinie. La place de ‘père-mère’ permet de retrouver cette patience. Ce n’est pas l’histoire d’un homme différent des autres qui serait plus féminin, c’est l’histoire d’un homme qui est mis dans une position où il devient ‘père-mère’ alors que c’est un homme comme les autres», nous dit-il.
Pour le romancier belge, la littérature permet de poser de nouvelles questions, assez actuelles.
«Mon but était plutôt d’apporter une leçon de tolérance par rapport à ces enfants autistes auxquels je me réfère d’ailleurs comme ‘Oui autistes’ dans le roman par opposition aux ‘Non autistes’: les concepts sont ainsi inversés entre le normal et l’anormal. Je voulais davantage témoigner sur un mode de rapport à la réalité qui a le droit d’exister, qui est en danger permanent dans le monde dans lequel il se trouve, mais qui en même temps n’affectera personne. Ces personnes sont non violentes ou lorsqu’elles le sont, c’est plutôt contre elles-mêmes. Il y a aussi parfois une forte joie de vivre chez ces enfants et dont on a parfois l’impression qu’elle est plus forte que chez les enfants non autistes, avec un appétit pour la vie qui est parfois gargantuesque. J’interprète ce roman comme étant davantage un ‘traité de défense’ pour ces enfants, un plaidoyer pour la tolérance dans un monde actuel qui prône des techniques pour les normaliser», nous précise-t-il.
La traduction de Robinson aura été, pour Trân Thi Khanh Vân, un véritable défi, ce qui n’était pas pour lui déplaire.
«J’ai découvert Laurent Demoulin seulement en lisant ce livre. Et je pense qu’il pourrait devenir l'un de mes auteurs préférés parce qu’il a une écriture vraiment spéciale, qui demande beaucoup de connaissances et de réflexion avant de passer à l’étape de la traduction. L’auteur a utilisé dans son livre des expressions que je n’avais jamais rencontrées. Il a aussi mis beaucoup de références. Ce que j’ai fait, c’est que j’ai traduit une première fois, et après j’ai laissé ma traduction de côté pendant plusieurs semaines pour mieux y revenir», nous indique-t-elle.
La version vietnamienne du lauréat du prix Victor-Rossel 2017 a suscité un bel engouement auprès des lecteurs, dont Thùy Duong.
«C’est un très beau livre, qui est exceptionnellement touchant. Normalement, quand on élève un enfant, ça crée beaucoup de joie et de plaisir dans la vie. Mais si l’enfant a quelques problèmes, ça peut devenir très difficile. La manière dont ce père s’engage dans l’aventure et fait de cette difficulté une raison de vivre est magnifique, je trouve… », nous confie-t-elle.
Avoir un enfant autiste reste un drame quoi que fasse la littérature. Mais Laurent Demoulin a choisi de mettre en avant les côtés positifs de cette anomalie, sans doute pour aider les parents concernés à mieux la vivre.