(VOVWORLD) - Il ne faut surtout pas confondre le professeur de français langue étrangère (FLE) avec le professeur de français que l’on trouve dans les établissements scolaires, en France. Le professeur de FLE utilise une pédagogie spécifique pour permettre aux non-francophones de maîtriser la langue de Victor Hugo. Au Vietnam, les cours de français sont dispensés au sein d’universités, d’associations publiques ou privées proposant des cours de langue, ou par des professeurs indépendants. Mais attention, ce n’est pas parce que vous êtes francophone natif que vous avez automatiquement le droit d’enseigner le français. Témoignage de Jérémy Soranzo, professeur de FLE indépendant à Hanoï.
Jérémy Soranzo, professeur de FLE indépendant | Photo: VOV
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Jérémy: Je suis arrivé au Vietnam en juin 2015. Ça fait quasiment cinq ans. J’ai rejoint ma petite amie de l’époque qui est devenue ma femme depuis. J’avais deux trois opportunités professionnelles au Vietnam. J’ai contacté un journal pour devenir relecteur, c’était Vietnam+. J’avais aussi un ami qui enseignait le français à Hanoï et qui cherchait un autre Français pour donner des cours.
VOV5: C’est comme ça que vous êtes devenu prof de FLE. Comment avez-vous débuté?
Jérémy: Au début, j’avais deux classes. Ce n’est pas beaucoup, mais ça suffit, au début. J’avais une classe de niveau B2, avec des lycéens qui partaient étudier en France, et une autre de niveau A2, avec des élèves de sixième.
VOV5: Aviez-vous donné des cours de français avant d’arriver au Vietnam?
Jérémy: Oui, j’avais commencé un peu l’année précédente, entre 2014-2015, avec des étudiants, à Lyon. À l’époque, je n’étais pas vraiment professeur, c’était plutôt pour accompagner des non-francophones en France.
VOV5: Devenir professeur, est-ce que c’est difficile, au départ?
Jérémy: Oui, c’était nouveau, pour moi. C’était quand même une reconversion professionnelle parce que ce n’est pas du tout ma formation initiale. J’ai fait un master en pharmacologie et en innovation thérapeutique, donc plutôt dans la recherche médicale. Pour devenir professeur, il a fallu repartir de zéro. La différence entre les deux métiers, c’est que pour le premier, on peut y aller petit à petit et on se forme sur les bancs d’université, d’abord par les connaissances en licence, les compétences en master et les expériences sur le terrain en stage ou en doctorat. Pour l’autre, le métier de professeur de FLE, ça a été l’inverse. J’ai commencé par le terrain en commençant une première formation de français, le DE FLE donné par l’Alliance française. Puis, je suis passé au master didactique des langues.
VOV5 : C’est passionnant comme formation?
Jérémy: Oui et c’est beaucoup plus large de ce que je pensais au départ. J’ai imaginé au début que cette formation didactique était conçue pour former les professeurs à faire des cours de français, mais en réalité, à l’Université Sorbonne Nouvelle où je fais ma formation, ils élargissent beaucoup le contexte pour tenir compte des politiques linguistiques, de la littérature, de la culture, des médiations et de beaucoup de choses qui enrichissent le métier de professeur de FLE.
VOV5: Vous vous adaptez aussi à chaque étudiant?
Jérémy: Bien sûr. On ne peut pas donner un cours à un Vietnamien comme à un Américain. Ces étudiants ont une éducation différente dans leur pays respectif. Alors, ai on aborde tout le monde de même manière, on va se heurter à un mur, celui de «personne ne va te suivre».
VOV5: Vous donnez des cours particuliers ou des cours en groupe?
Jérémy: Les deux. Les Vietnamiens en groupe et les étrangers en tutorat parce que les parents de ces derniers veulent un suivi personnalisé pour leurs enfants.
VOV5 : Est-ce que c’est difficile de donner des cours en groupe multiculturel?
Jérémy: Oui et non. Oui parce que tout le monde va réagir de la même manière parce qu’il y a un fond commun. Non parce que la communication risque de se perdre dans la langue maternelle et pas dans la langue ciblée, le français, en l’occurrence. Si tu réunis un Coréen, un Japonais, un Vietnamien et un Thaïlandais, pour se comprendre, ils doivent utiliser une langue en commun. Mais quand tu n’as que les Vietnamiens ou si tu mets dix Français dans une classe de vietnamien, ils ont tendance à vouloir parler dans leur langue maternelle entre eux. Quand tu parles une langue étrangère, tu veux que le message soit perçu de manière correcte. Comme c’est difficile, pour faciliter la tâche, tu utilises ta langue maternelle dès que tu le peux.
VOV5 : Quel âge ont vos étudiants?
Jérémy: J’ai un peu de tout. Les plus jeunes ont huit ans et le plus âgé a 65 ans.
VOV5 : À chaque étudiant une approche adaptée à son besoin et à son niveau?
Jérémy: Je suis obligé de le faire, car un homme de 65 ans et un garçon de huit ans n’apprennent pas le français de même manière. Ça dépend aussi de l’intérêt de chacun. Par exemple: «Pourquoi ils veulent apprendre le français?» «Est-ce que c’est parce qu’ils ont envie ou parce qu’ils y sont forcés?» Il faut prendre en compte toutes ces questions pour pouvoir enseigner de manière optimale. En général, j’essaie de répondre aux demandes des gens, puis la méthode vient d’elle-même. Je suis plutôt professeur pour adultes ou grands adolescents. Les enfants sont un peu plus difficiles pour moi.
VOV5: Parce qu’ils peuvent perdre l’attention plus facilement ?
Jérémy: Pas vraiment. J’organise les cours comme un échange dans lequel on s’enrichit. Même moi en tant que professeur, je m’enrichis pendant les cours. Avoir une interaction avec les grands adolescents, les adultes et les personnes âgées est beaucoup plus enrichissant en termes de connaissances et de réflexion que d’avoir des enfants qui apprennent tout juste à lire, à compter ou à savoir faire des choses élémentaires. Donc, j’ai toujours préféré enseigner à des gens qui ont, ce que j’appelle «l’âge de raison».
VOV5: Quand terminerez-vous votre master de FLE?
Jérémy: Normalement, je dois l’avoir au mois de juillet, mais avec l’épidémie, la délivrance aura lieu au mois de septembre.
VOV5: Qu’est-ce que votre diplôme vous apportera?
Jérémy: L’opportunité de travailler partout dans le monde, dans toutes les structures officielles qui enseignent le français sans problème.