(VOVWORLD) - Autrefois, après le mariage, les hommes Thaï de Son La devaient rester chez leur épouse pour une durée comprise entre deux et sept ans. Ce n’est qu’après qu’ils pouvaient la ramener chez eux. Cette pratique n’existe plus aujourd’hui, mais les Thaï chantent encore les chansons que la famille du marié chantait autrefois pour lui dire au revoir, et plus tard pour accueillir son épouse. La seule différence, c’est que ces deux chansons résonnent maintenant lors d’une même cérémonie, celle du mariage.
Dans un mariage Thaï de Son La, chacune des deux familles fait appel à un entremetteur et à une entremetteuse, qui les représenteront lors du traditionnel échange de chants nuptiaux. En fait, ces échanges entre entremetteurs sont des échanges chantés. D’abord, les représentants de la famille du marié saluent l’assistance. Ensuite, les quatre entremetteurs et entremetteuses interprètent des chants alternés qui rendent hommage aux parents et soulignent les qualités des mariés. Chacune des deux parties tient à complimenter l’autre en faisant preuve d’une grande modestie, nous précise Câm Vui, un chanteur émérite de Son La qui a servi d’entremetteur lors de dizaines de mariages.
«Nous remercions les parents et la famille de la mariée de nous avoir accueillis. Avec votre consentement, nous nous permettons de lui demander la main», dit le chant d’aurevoir au marié. «Notre fils souhaite devenir votre gendre, le mari fidèle de votre fille, celui qui partage sa couverture et fait sécher son linge sur le même étendoir. Notre fils a encore plein de choses à apprendre. Nous vous le confions et comptons entièrement sur votre bienveillance».
Voilà pour le chant d’aurevoir au marié auquel répondront l’entremetteur et l’entremetteuse du côté de la mariée par des paroles tout aussi modestes. Ils chantent pour demander à l’autre famille d’installer une échelle pour permettre à la mariée de monter dans la maison sur pilotis de son mari, puis pour la confier à sa belle-famille. Celle-ci l’accueille à bras ouverts et reçoit avec joie les cadeaux qu’elle remet aux grands-parents, aux parents, aux oncles et aux tantes de son mari. Ces cadeaux sont souvent des objets de literie ou des turbans que la mariée a tissés elle-même. En la confiant à sa belle-famille, ses parents lui disent de travailler dur pour le bien de sa nouvelle famille.
«Aujourd’hui, notre famille vient vous offrir des objets de literie. Nous avons traversé tant de cols élevés, tant de ruisseaux profonds, tant de forêts et montagnes pour arriver jusqu’au village», chantent les entremetteurs du côté de la mariée. «Nous sommes impressionnés par ce que nous voyons dans ce beau village prospère, par ses grandes maisons et son marché animé. Nous voilà arrivés, en attendant que le beau-père ouvre la porte à sa sage bru, que la belle-mère descende l’escalier pour la faire entrer dans sa maison sur pilotis. Nous attendons que les oncles, les tantes et tous les proches du mari ouvrent la porte et installent une échelle pour la faire monter, une échelle à neuf marches, en bois parfumé sur laquelle la mariée posera ses pieds. Nous espérons que sous votre bienveillance, elle sera une bru exemplaire».
Entre deux chants, le chanteur ou la chanteuse s’arrête quelques minutes et invite les convives à porter un toast pour souhaiter un bonheur éternel au jeune couple. Ils peuvent ainsi chanter toute la nuit, nous dit avec admiration Cà Thi Hoan dont les parents étaient entremetteurs.
«Dès mon plus jeune âge, j’ai suivi mes parents, mes tantes et mes oncles lors des mariages dans lesquels ils servaient en tant qu’entremetteurs. Je vais moi aussi apprendre à faire comme eux. C’est une belle tradition culturelle des Thaï qui mérite d’être préservée», estime-t-elle.
Une belle tradition, en effet, qui a résisté et continuera de résister aux affres du temps et de la modernisation.