«Ecouter l’indépendance»

(VOVworld) - Souvent, on lit l’Histoire mais on ne l’écoute pas.  C’est en partant de ce constat que Lonan O’Brian, qui enseigne la musique à l’Université de Nottingham, au Royaume-Uni, a décidé de redécouvrir l’histoire du Vietnam au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, en se référant uniquement aux archives radiophoniques. Ses premières recherches ont donné lieu à une conférence intitulée «Ecouter l’indépendance: la Radio de la République démocratique du Vietnam», conférence organisée par l’Ecole française d’Extrême-Orient jeudi soir à l’Institut français de Hanoi. 

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Le 2 septembre 1945, place Ba Dinh, à Hanoi, le Président Ho Chi Minh proclamait l’indépendance : la République démocratique du Vietnam était née. Cinq jours plus tard, cette annonce : «Ici la Voix du Vietnam, émettant de Hanoi, capitale de la République démocratique du Vietnam»… Ainsi donc, ce nouveau pays indépendant, le Vietnam, allait pouvoir se faire entendre du monde entier… Lonan O’Brian :

«La radio est finalement le premier outil technologique à être entré dans l’Histoire, au Vietnam. Elle offre une vision singulière, qui mérite que l’on s’y attarde. Si vous prenez la déclaration d’indépendance de l’Irlande, par exemple, elle a été lue dans une rue, devant une cinquantaine de personnes, tout au plus. Tandis qu’au Vietnam, il y a eu non seulement les micros de la place Ba Dinh, mais surtout la radio, qui a donné une toute autre répercussion à l’évènement.»

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre radio aura connu des débuts difficiles, marqués par une certaine mobilité avec des mises à l’abri forcées et fréquentes, soit à la pagode Tram, soit dans les environs du lac Ba Be. A cela, il faut ajouter des moyens de diffusion très rudimentaires et la concurrence d’autres stations financées par les Français, qui diffusaient de la musique européenne à longueur de journée.

Eh bien qu’à cela ne tienne! De la musique? La Voix du Vietnam a décidé d’en insérer elle aussi dans ses émissions.      

"En 1949, il était encore difficile pour la radio d’attirer le public, d’où cette idée d’insérer de la musique dans les émissions. Ça a commencé avec la chanson ‘Diet phat xit’ en guise de générique, puis il y a eu des intermèdes musicaux entre les émissions et enfin des chansons interprétées en direct, devant le micro. Ce qui est intéressant, c’est que les gens ont vraiment utilisé les moyens du bord : un banjo, une guitare, un accordéon, et c’est tout… Pas d’orchestre, évidemment. Mais bon, cette chanson, ‘An no danh thang’, par exemple, si vous regardez la partition, vous verrez que c’est une chanson jouable à la guitare. Son premier enregistrement a été fait en direct sur les ondes."

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Après les accords de Genève, en 1954, le Nord a connu une courte période d’accalmie, période au cours de laquelle les arts et la musique ont continué à jouer un rôle important dans les programmes de la Voix du Vietnam.

«La période post 1959 est particulièrement intéressante parce qu’elle témoigne d’un véritable essor musical en termes de radiodiffusion. La Voix du Vietnam elle-même comprenait alors douze départements, dont quatre étaient consacrées à de la musique en direct. Il y avait des troupes de théâtre, deux ensembles, mais aussi des troupes de ca hue, de cai luong créés en 1957, un groupe de musique pour les enfants créé en 1958 et une troupe de cheo créé en 1960.»

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Photo: AVI

C’est à cette époque que la radio s’est mise à faire des enregistrements en différé. Lonan O’Brian a pu en parler avec Phan Phuc, un ancien violoniste de la Voix du Vietnam.  

«Quand ils voulaient enregistrer une chanson, ils allaient au ‘Majestic cinema’, actuellement la salle de la Révolution d’Août, rue Hang Bai. Les outils d’enregistrements étaient placés à peu près au niveau de la porte d’entrée, mais avec le passage du tram toutes les dix minutes, il fallait bien calculer son coup pour avoir une prise à peu près correcte !...»    

C’est dans les années les plus difficiles du pays que la radio a atteint son apogée, à une époque où, comme l’estime le professeur Andrew Hardy, de l’Ecole française d’Extrême-Orient, «la musique n’était pas autour de nous, tout le monde était entouré de la silence». Après, quoi, d’autres technologies sont venues lui disputer le monopole de l’information. Il n’en demeure pas moins que comme l’a souligné Lonan O’Brian, «Quand vous entendez une voix parlée en vietnamien, c’est très émouvant.»…  

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