"Hard rails across a gentle river" - La vie sous le pont Long Bien

(VOVworld) - La circulation trépidante du pont Long Bien pourrait presque nous faire oublier qu’en-dessous, il existe un autre monde, trépidant lui-aussi, celui des petits vendeurs, des travailleurs de peine, des sans-domicile qui trouvent refuge dans les bras de cette vieille dame de fer. Un groupe de quatre jeunes réalisateurs de HanoiDOCLAB a décidé de donner un coup de projecteur sur cet univers des marginaux à travers un documentaire intitulé "Hard rails across a gentle river " (Durs rails à travers un fleuve doux).




Rue Hai Ba Trung, le soir, dans une salle obscure. De temps en temps, des fous rires éclatent. On diffuse un film comique ? Une comédie ? Eh bien non, aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, c’est un documentaire qui suscite ces accès d’hilarité !  

« Hard rails across a gentle river ». Ainsi s’intitule le documentaire en question, un documentaire de 45 minutes environ, axé sur le pont Long Bien, ou plutôt… sous le pont Long Bien puisqu’on va à la rencontre de tous ces petits vendeurs à la sauvette, de tous ces travailleurs saisonniers, tous ces sans-domicile à qui cette tentacule d’acier qui enjambe le fleuve Rouge offre un abri précaire.

Au premier rang, trois jeunes Vietnamiens observent les spectateurs et poussent un soupir de soulagement. Ce sont les réalisateurs. Mais Van Hoang, Anh Phuong et Thanh Hien ne peuvent pas eux non plus s’empêcher de rire. Il faut dire que le tournage a donné lieu à des situations cocasses, notamment à ses débuts. Anh Phuong:

“Au départ, je suis arrivée avec une grande camera professionnelle. Il faut imaginer tout ce que ça pouvait avoir d’insolite, dans un lieu pareil. Le pont Long Bien, c’est là où résident les vendeurs ambulants, les travailleurs de peine… Ce sont des gens qui n’ont pas envie d’être vus. Je m’en suis rendu compte à mes dépens. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’étais pas la bienvenue ! Mais, j’étais très jeune aussi, 22 ans ! Alors j’ai continué à y croire. Un jour, une dame m’a approchée. Elle m’a lâché une bordée d’insultes. Alors là, j’ai tout laissé tomber. J’ai bien été obligée d’admettre qu’elle avait raison et que j’étais en train de violer l’intimité de tous ces gens. Il m’a fallu des semaines pour être acceptée"

Poster du fim au festival Yamagata

Cette obstination, ou plutôt cette patience, a permis à Anh Phuong et à ses trois confrères Van Hoang, Thanh Hien, Thu Hang de capturer des images on ne peut plus authentiques de la vie autour du pont Long Bien. Les personnages du documentaire rient, racontent leur histoire, tout naturellement, comme si la caméra était invisible. Des scènes naïves mais pourtant touchantes… 
« C’est notre attitude, notre approche qui fait que le contact peut avoir lieu, ou non. Si on va vers eux en les regardant comme des bêtes curieuses, c’est fichu !  Si par contre on y met un tant soit peu de tact et de finesse, des liens se créent très rapidement. Tenez, si je prends l’exemple de la fille qui vit sur les rives du fleuve, au début, on m’avait raconté beaucoup de choses à son propos. Chacun y allait de sa petite anecdote ! Mais moi, je n’étais pas venu pour la juger, simplement pour l’écouter. Et je suis heureux qu’elle ait pu s’exprimer, qu’elle ait pu partager ses joies et ses peines. » nous dit Van Hoang.

“Je trouve que c’est vraiment intéressant. Ce film nous permet de découvrir tout un aspect de la vie à Hanoi, de voir et d’écouter ces gens. J’aime bien le côté interactif, c’est bien quand les gens veulent partager leur histoire." nous confie un spectateur alors qu'un autre affirme : “Ce documentaire m’a ouvert mes yeux. Auparavant je n’avais jamais vraiment pensé à tous ces gens que je croise souvent dans la rue.”

La plupart des spectateurs avouent que « Hard rails across a gentle river” » leur a fait voir un monde trop souvent négligé. La réaction a d’ailleurs été la même à l’étranger. Thanh Hien nous raconte :

« Notre documentaire a reçu une « mention spéciale » au festival de Yamagata, en 2011. Beaucoup de Japonais sont venus voir le film. Peut-être pour deux raisons : en premier lieu, il s’agit de l’un des plus prestigieux festivals de films dans le monde entier. En deuxième lieu, à ce jour, il n’y a eu que deux documentaires vietnamiens présentés au festival, dont le nôtre. Après le festival, notre documentaire a été projeté dans un lycée japonais. Quelques lycéens sont venus à Hanoi, et ont rencontré les lycéens du lycée Viet Duc. Ils avaient dans la tête l’idée que Hanoi était une ville très riche, très confortable. Après avoir vu notre film, ils étaient tous très surpris, évidemment !...  Il leur a semblé qu’il existait deux mondes a Hanoi ! »   

"Comme les autres, passant par ce pont et regardant tous ces gens-là, j’avais pensé que leur vie était vraiment pénible. Mais quand je suis descendu de ce pont pour voir de près tous ces travailleurs, ces gangsters, parler avec eux… j’ai ressenti toute la dureté de leur vie. Avant, je savais, maintenant, je comprends.”, nous a confié Thanh Hien. Force est de constater qu'après avoir bien ri, les spectateurs ont souvent des larmes qui leur perlent aux paupières.




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