N’est pas chanteur de quan ho qui veut !

(VOVworld) - Le quan ho n’est pas tout à fait un chant folklorique comme les autres : il a ses règles et surtout ses tabous. Une table-ronde portant sur le quan ho vient justement d’avoir lieu à Heritage Space, à Hanoi, dans les tous premiers jours du Nouvel An lunaire, avec la participation de chanteurs et de chanteuses chevronnés.
  
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“Malgré les neuf pluies torrentielles, jusqu’à ce qu’une centaine de montagnes passent par le trou d’une aiguille, je vais continuer à jouer…”
Cette déclaration solennelle, c’est celle que se lancent entre eux les « frères » et les « sœurs » de la grande confrérie du quan ho. Déclaration ou défi ? A prendre au sérieux, en tout cas.    

Au printemps et à l’automne, les jeunes des villages de Bac Ninh se livrent à de véritables joutes verbalo-musicales, autrement appelées quan ho. Mais pour pouvoir participer à ces fameuses joutes, les participants, des paysans pour la plupart, doivent répondre à des critères très stricts. N’est pas chanteur de quan ho qui veut ! Qu’on se le dise ! Xuan Mui, ancien « frère », 40 ans de pratique à son actif :

« Il y en a deux groupes de chanteurs. Le premier groupe, qu’on appelle « Le groupe portant des chaussures », doit apprendre par cœur 150 chants-sujets, et 150 chants-réponses. Il doit être capable de répliquer à n’importe lequel de ces chants. Mais il faut savoir qu’un chant comprend de 6 à 8 vers, alors vous imaginer le nombre de vers qu’il faut mémoriser ! Sans compter que nous ne sommes pas de vrais chanteurs. Notre métier, le vrai, c’est de travailler la terre ! Le deuxième groupe, « le groupe aux pieds nus », regroupent les nouveaux chanteurs. Eux, ils ne doivent mémoriser « que » 50 chants-sujets et 50 chants-réponses. »     

Voilà pour ce qui est de l’apprentissage. Mais comme partout ailleurs il y a les bons et les mauvais élèves, ce qui fait que les chanteurs et les chanteuses sont classés en fonction de leurs capacités.  

« Les chanteurs sont souvent désignés par ordre numérique, en fonction  de leur niveau et de leur expérience. Xuan Mui, toujours. Les meilleurs sont nommés « deuxième frère, deuxième soeur » ; ce sont eux qui chantent la plupart du temps. »  

Une fois cette hiérarchie solidement établie, les chanteurs et les chanteuses peuvent s’adonner à la compétition, qui se divise en trois parties. Xuan Mui :

« Il y a effectivement trois parties : le « giọng lề lối », le « giọng vặt » et le « giọng giã bạn ». La première partie, c’est pour souhaiter la bienvenue, la seconde, pour exalter l’amour et la nostalgie, et la troisième, pour raccompagner les hôtes du jour. »         

Avec le développement des technologies sonores, il n’est pas rare de voir des jeunes « frères » et « soeurs » chanter avec l’aide d’un micro ou d’une bande-son pré-enregistrée, ce qui, pour Xuan Mui, est une véritable hérésie !     

« Il n’y a pas d’orchestre dans le quan ho ! Il y a des couples de chanteurs, c’est tout ! Lorsque l’un chante, l’autre le regarde attentivement pour suivre les vers. Il y en a donc un qui est actif et l’autre qui est passif, mais tous les deux sont importants. Un chanteur se doit de maîtriser les mélodies et les vers, mais son vis-à-vis doit être capable de le suivre parfaitement ! En fait, l’idéal, c’est de se choisir un partenaire dès son plus jeune âge, comme ça, on atteint une symbiose parfaite. Je connaissais un chanteur qui s’appelait Son, qui a arrêté de chanter à la mort de son partenaire. »    

Le quan ho permet donc à des jeunes gens de se rencontrer et de se chanter des vers amoureux en se regardant dans le blanc des yeux. Mais attention, il est interdit aux chanteurs et aux chanteuses de quan ho de s’épouser entre eux !    

« Le village de Diem et le village de Buu Sim sont jumelés depuis plus de 1.000 ans. Alors leurs habitants se considèrent comme les frères et les sœurs d’une même famille. Et en tant que frères et sœurs, ils ne peuvent pas se marier. » dit Xuan Mui.

Evidemment... Et qu’arriverait-t-il à celui ou celle qui aurait l’audace d’enfreindre toutes ces belles règles ? L’amour est-il plus fort que les vieilles coutumes ? Voilà qui ferait un beau sujet d’échange... en mode quan ho, bien sûr !...   

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