Qu’est-ce que cela signifie, “être discriminé”?

(VOVworld) - En parlant de discrimination au Vietnam, on pense souvent aux séropositifs, aux homosexuels, aux bisexuels, aux transgenres ou aux handicapés. Mais la discrimination existe sous différentes formes. Elle n'est pas forcément "visible à l'oeil nu". Dès lors, une prise de conscience s'impose. C'est du reste ce que le groupe Zero Discrimination Action Group - ZDAG - a voulu susciter en organisant une séance de projection et une table-ronde sur ce thème à Hanoi.


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Les intervenants de la table-ronde
Photos: isee.org.vn

 18.30. La salle de la Hanoi Cinemathèque est remplie: des étudiants, des salariés, des Vietnamiens et des étrangers. Au premier rang, des handicapés, en fauteuil roulant.   

«Je vis comme une femme moderne, mais ma mère et mes soeurs estiment que je suis trop libre, car je fais tout ce que je veux, je rencontre qui je veux... Je trouve que le fossé entre femmes modernes et femmes traditionnelles s'élargit de plus en plus. Les femmes traditionnelles pensent et agissent en fonction du qu'en-dira-t-on... Ma soeur, par exemple. En revenant du bureau, elle va au marché, elle fait la cuisine, elle aide ses enfants à faire leurs devoirs... Et ça dure jusqu'à 21h ou 22h. Alors elle n'a jamais le temps de lire un livre, de partir en voyage ou d'étudier...»   

Vous venez d’entendre Binh, la protagoniste du film “Pourquoi Binh ne se marie pas?”, l'un des trois films choisis pour cette séance de projection/table-ronde sur le thème de la discrimination, les deux autres films étant “Mon rêve”, sur les prostituées, et “Nous sommes mariés”, qui relate la vie d’une couple handicapé. Dans ces deux derniers films, la problématique s'impose comme une évidence, mais il n'en va pas de même pour le premier, “Pourquoi Binh ne se marie pas?” Là, les choses sont plus subtiles.   

«Quand j’étais étudiante, mes parents me disaient: “Tu dois faire attention à tes études, ne pense pas à l'amour!". Quand j'ai obtenu mon diplôme, ils me disaient "Cherche un emploi stable. Pour te marier, on verra plus tard!". Et puis maintenant, c'est la panique, parce que je n'ai personne!... Mes proches, mes voisins... Chacun y va de son petit ragot... C'est vraiment pénible, à tel point que lors du dernier Tet, je suis partie ailleurs. Je sais bien que sinon, j'aurais été harcelé de questions. Au début, je répondais que je me marierais l'année prochaine, mais bon, à force, on ne peut pas toujours répéter la même chose...»

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Binh, la protagoniste du film "Pourquoi Binh ne se marie pas?"

L’histoire de Binh a retenu l'attention des spectateurs et des invités présents à la table-ronde après la diffusion des films. Le docteur Dang Hoang Giang, directeur adjoint du centre d'aides communautaires et d'études pour le développement :

«La discrimination apparaît lorsqu’on est différent des autres. Les discriminations les plus “classiques” et visibles sont celles qui s'exercent à l’encontre des séropositifs, des handicapés, des homosexuels... Dans les cas des femmes qui ne se marient pas, ou de celles qui n'ont pas pas d’enfant ou pas de fils... elles doivent vivre entourées de ragots, de propos mesquins... C'est aussi une forme de discrimination...»

Nghiêm Hoa, spécialiste des droits humains:

«L’égalité de traitement, c’est traiter tout le monde d’égal à égal. Même si quelqu'un a commis un crime, c'est un être humain et il doit être traité comme tel, comme quelqu'un faisant partie de la grande fraternité humaine. “agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.”: c'est ça, l'esprit!»

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«On vit dans une société servile, où chacun pense qu’il doit être pareil aux autres. Personne n'ose faire preuve d'indépendance d'esprit, de peur d'être rejeté, d'être mis au banc de la société. C’est ça, la discrimination.»

«Pourquoi ne pense-t-on pas à se réconcilier avec ceux qui ne nous ressemblent pas, au lieu de les forcer à nous ressembler?»

Après de vives dicussions sur les nouveaux types de discrimination, la table-ronde retourne à des histoires de discrimination à l’encontre des discriminés “classiques”. Toute petite dans son fauteuil roulant, Nguyen Thao Van, directrice du centre “Tonus de vie” nous en raconte une.

«C’était quand j’avais 13 ou 14 ans. Un homme a pointé le doigt sur moi qui portais une robe, disant: “Eh, petites jambes, la prochaine fois, porte un pantalon, ok?” J'ai cru que j'allais m'évanouir de honte. Cet indident m’a obsédé. J’ai eu peur que ma mère ou mes amis entendent ces horreurs.»

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Nguyen Thao Van, directrice du centre “Tonus de vie”

Nguyễn Anh Phong, membre du Réseau national des séropositifs, s'appuie sur l’indice de discrimination contre les séropositifs, réalisé par l’ONUSIDA en 2014 au Vietnam, pour nous révéler que 20% des séropositifs sont victimes des ragots dûs à leur situation.

«Les ragots sont des mots qui tuent. Selon le sondage de l’ONUSIDA, un séropositif sur trois aurait l’intention de se suicider à cause des ragots. Récemment, lors d’un concours d'affiches contre la discrimination, un dessin d'une bouche avec le mot "discrimination" a remporté pas mal de suffrages. Toujours selon l’ONUSIDA, les séropositifs et les prostituées ont du mal à trouver un travail.»

La table-ronde se referme après plus de deux heures de discussions. Chacun rentre chez soi avec sa propre idée sur la discrimination. Quant à nous, nous voulons refermer ce reportage avec une citation de Nelson Mandela: «La Haine n’est pas innée. Les hommes apprennent à haïr, et s’ils peuvent apprendre la haine, alors on peut leur enseigner l’amour, car l’amour gagne plus naturellement.»

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