(VOVWORLD) - Le Spinibarbus denticulatus est un poisson d’eau douce de la famille des Cyprinidés, qui est à la base de plusieurs spécialités culinaires des Tày, une communauté ethnique très présente à Luc Yên, dans la province septentrionale d’Yên Bai. En plus d’être délicieux, il est très beau, si bien que les novices le prendraient pour un poisson d’agrément, ce qui finalement… n’est pas faux.
Le Spinibarbus denticulatus |
Le Spinibarbus denticulatus ressemble à une carpe aux écailles légèrement vertes, avec une queue, un aileron et une bouche rougeâtres. Les Tày de Luc Yên l’élèvent dans des étangs où l’eau entre et sort en continu et dont la température reste stable: autour des 20 degrés. Dans la plupart des cas, il s’agit d’eau de source.
Autrefois, ce poisson était élevé comme poisson d’agrément, presque comme un animal de compagnie, nous raconte Hoàng Duc Cât, qui habite la commune de Lâm Thuong.
«Ce sont des poissons très amicaux qui s’approchent sans crainte chaque fois qu’on se lave les pieds au bord de l’étang, pour demander à manger. Aussi en rentrant du champ, leur donnons-nous toujours des légumes ou des herbes. Il faut les voir nager: un vrai spectacle!», nous dit-il.
Ce poisson mange de tout, des herbes mais aussi les restes d’aliments des humains. Néanmoins, il grandit lentement: un poisson de deux ans ne mesure pas plus que deux pouces et un poisson de 40 ans ne pèse qu’une vingtaine de kilos... Peut-être est-ce pour cela que les Tày ne le mangent qu’aux grandes occasions, comme nous l’affirme Hoàng Ta Ngo, domicilié dans la commune de Lâm Thuong.
«Autrefois, ce poisson était considéré comme un bien précieux. On ne le servait qu’aux invités de marque et aux femmes après l’accouchement. Mais c’était surtout un plat incontournable sur le plateau d’offrandes de la cérémonie accompagnant la montée au ciel de l’âme d’un défunt», nous indique-t-il.
Le Spinibarbus denticulatus garde toute sa saveur lorsqu’il est mangé cru dans une salade |
Lorsque le Spinibarbus denticulatus passe de l’état d’un poisson d’agrément à celui de produit comestible, il a droit aux traitements les plus sophistiqués. Les connaisseurs sont formels: il est meilleur cru, avec une kyrielle de légumes et d’herbes aromatiques - des feuilles de citronnier, du basilic, du galanga, des jeunes pousses de bananier… - le tout assaisonné avec une sauce aigre doux composée notamment de jus de citron et de fruit du Garcinia cowa, qui est une plante qui pousse abondamment dans la région. La grande particularité de ce plat tient au fait qu’il comprend également des arêtes hachées et torréfiées. Mélangées avec le poisson coupé en fines tranches, ces arêtes rendent le plat plus gras et moins liquide, assure Hoàng Dông Hoi, un cuisinier respecté de la commune de Lâm Thuong.
«Le Spinibarbus denticulatus garde toute sa saveur lorsqu’il est mangé cru dans une salade, mais il est tout aussi délicieux lorsqu’il est grillé. Dans la préparation des plats à base de ce poisson, il y a deux choses à retenir: premièrement, il faut le couper à sec, ne laisser aucune goutte d’eau pénétrer sa chair et deuxièmement, il faut le servir avec les bonnes herbes aromatiques», souligne-t-il.
Pour Dô Huy, un habitant de la ville d’Yên Bai, ce poisson est le meilleur qu’il n’ait jamais mangé.
«Avec les autres poissons, il n’y a pas photo. A vrai dire, il ne sent pas le poisson. Sa chair est ferme et extrêmement goûteuse», dit-il.
Pour les autorités locales, ce poisson pourrait devenir un atout économique et touristique de Luc Yên. C’est en tout cas ce qui ressort des propos de Hoàng Khi Phach, vice-président du comité populaire de la commune de Lâm Thuong.
«Actuellement, les élevages sont spontanés. Nous allons encourager les habitants à élever ce poisson de façon plus exclusive, c’est-à-dire en ne laissant pas d’autres poissons entrer dans leurs étangs. Cet élevage exclusif devrait assurer au Spinibarbus denticulatus une meilleure qualité et donc une meilleure valeur marchande», explique-t-il.
Un poisson à la fois beau, amical, délicieux qui promet en plus d’augmenter les revenus… que demander de plus? Et ce n’est pas si grave si vous avez oublié son nom scientifique, appelez-le tout simplement le poisson de la prospérité...