(VOVWORLD) - Une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, une reprise lente pour les grandes économies, des instabilités géopolitiques, une crise de la dette publique… L’année 2023 s’achève sur le mode mineur, en tout cas sur le plan économique. Les experts veulent néanmoins croire que 2024 sera un meilleur millésime, même si aucune éclaircie n’est pour l’instant en vue…
La directrice générale de l’Organisation Mondiale du Commerce, Ngozi Okonjo-Iweala. Photo: AFP |
Pour 2023, le chiffre d’affaires du commerce mondial s’établit à 30.700 milliards de dollars, contre 32.200 milliards en 2022. Le commerce des marchandises, notamment, accuse une baisse de 2.000 milliards de dollars, soit moins 8% en glissement annuel. C’est ce qui ressort du rapport publié le 11 décembre dernier par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (UNCTAD).
Une situation fragile…
Pour la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, cette baisse s’explique par des exportations en berne dans les économies émergentes de Asie de l’Est et par une baisse de la demande dans les pays industriels. À cela s’ajoute une chute des prix pour beaucoup de marchandises, qui a provoqué la dégringolade de la valeur des échanges commerciaux. Fort heureusement, il n’en va pas de même pour les services, pour lesquels on enregistre une hausse de 500 milliards de dollars en glissement annuel, soit 7% de plus.
Ralph Ossa, l’économiste en chef de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), a pointé du doigt de multiples facteurs néfastes survenus essentiellement au cours du premier semestre de cette année: la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt aux États-Unis et en Union européenne, la reprise post-pandémique mitigée en Chine, et les répercussions du conflit russo-ukrainien sur l’économie mondiale.
Une légère amélioration a été constatée au cours du second semestre. L’inflation dans la zone euro et au Royaume-Uni a commencé à diminuer, atteignant respectivement 2,4% et 3,9%. Les États-Unis, mastodonte de l’économie mondiale, ont enregistré une croissance de 5,2% au troisième trimestre, tandis que l’inflation y a été ramenée à 3,1% en novembre. La deuxième économie mondiale, la Chine, a également enregistré des signes positifs au cours des derniers mois de 2023, redonnant ainsi espoir aux économistes.
La Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement note d’ailleurs que si la valeur des échanges commerciaux est en baisse, son volume, lui, est légèrement en hausse, de 0,8%.
Faut-il voir, dans toutes ces turbulences commerciales, l’amorce d’une démondialisation? Ralph Ossa, lui, reste prudent…
«Le fait est qu’il y a des tensions qui se sont accentuées et que ça et là, on constate même une certaine forme de fragmentation. De là à prétendre que la démondialisation est en marche, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirais évidemment pas: les statistiques ne corroborent pas une telle vision des choses», nous explique-t-il.
… mais pas désespérée
Pour ce qui est de l’année à venir, les prévisions ne sont pas forcément d’un grand optimisme. Les tensions géopolitiques mondiales (Ukraine, Gaza…), l’émergence du protectionnisme et la hausse de la dette publique dans plusieurs pays sont de nature à rendre le commerce mondial plus précaire à court et moyen terme. C’est ce que nous explique Pierre-Olivier Gourinchas, l’économiste en chef du Fonds monétaire international.
«Nous constatons une émergence des barrières commerciales imposées mutuellement par les gouvernements. Cette tendance a fait son apparition il y a un an et demi, mais actuellement elle se développe rapidement et elle risque de nuire aux courants commerciaux», alerte-t-il.
Pour sa part, l’Organisation Mondiale du Commerce se montre plutôt optimiste, en tablant sur une croissance de 3,3% en ce qui concerne le volume des marchandises. Sa directrice générale, Ngozi Okonjo-Iwaela, estime qu’il est nécessaire de redéfinir la mondialisation de manière plus inclusive et durable, pour que les pays en développement puissent tirer profit du commerce mondial et tenir leurs engagements climatiques.
«Nous aspirons à une mondialisation qui intègre les parties jusque-là laissées pour compte, à une mondialisation plus inclusive. Bien sûr, il y aura des déplacements de chaînes d’approvisionnement, mais il faut continuer à mettre en avant la durabilité du commerce mondial en impliquant les pays précédemment exclus des chaînes de valeur mondiales. Le monde est confronté à de nombreux défis, et le commerce doit faire partie des solutions», nous dit-t-elle.
Qu’on se rassure donc, la tendance globale reste à la coopération et la conclusion de nouveaux accords de libre-échange, même entre des pays qui n’ont a priori que peu de liens. Cette année, les États-Unis et les pays africains ont conclu 547 accords de commerce et d’investissement, pour une valeur totale de 14,2 milliards de dollars, soit une augmentation de 67% par rapport à 2022. De même, le Marché commun du Sud (MERCOSUR) a signé un accord de libre-échange avec Singapour et s’apprête à finaliser les négociations avec la République de Corée et l’Indonésie. Autant de signes qui montrent que tout ne va peut-être pas si mal, après tout…