(VOVWORLD) - La Turquie a lancé le 9 octobre une opération militaire contre les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie. L'attaque suscite de nombreuses inquiétudes au sein de la communauté internationale.
Photo d'illustration
|
L’objectif stratégique d’Ankara est de créer une zone de sécurité, sorte de tampon de 30 kilomètres de profondeur, s’étirant sur 480 kilomètres, de l’Euphrate à la frontière irakienne. Intitulée «Source de paix», cette opération permettrait donc à la Turquie de faire d’une pierre deux coups. D’une part, elle pourrait éloigner de la frontière la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG) qu’elle considère comme une organisation terroriste, pour ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). D’autre part, la zone aurait pour vocation d’accueillir une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie.
Conséquences potentielles
Répartis sur quatre pays (Syrie, Iran, Turquie, Irak, sans parler des diasporas), les Kurdes n’ont jamais possédé d’État en tant que tel. Leur aspiration à un tel projet est considérée comme un outrage et un danger par la Turquie.
Depuis mercredi, au moins 29 combattants des forces kurdes et 10 civils ont été tués par les frappes aériennes et les tirs d'artillerie de l'armée turque, selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Près de 60.000 civils fuyaient, ce 11 octobre, les zones bombardées. L'offensive turque, la troisième en Syrie depuis 2016, fait craindre un nouveau bain de sang et une crise humanitaire dans ce pays déjà lourdement ravagé par la guerre civile.
Plusieurs dirigeants européens, réunis le 8 octobre à Luxembourg, redoutent que l'attaque turque ne conduise à un nouvel afflux de migrants en Europe. La Grèce, Chypre et la Bulgarie ont souligné «la hausse spectaculaire d'arrivées de migrants sur la route de Méditerranée orientale», ajoutant que «les facteurs géopolitiques, notamment les conflits dans la région, en particulier en Syrie, auront très probablement pour conséquence une poursuite de cette tendance inquiétante».
Les Européens craignent également que certains des 11.000 prisonniers jihadistes ne profitent de l'offensive turque pour s'échapper. Selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, l'opération «remet en cause les efforts sécuritaires et humanitaires de la coalition contre Daech et risque de porter atteinte à la sécurité des Européens». Une inquiétude partagée par le gouvernement allemand, pour qui l'offensive risque «de provoquer une résurgence» de l'EI.
Par ailleurs, les puissances mondiales craignent que l'offensive turque ouvre un nouveau chapitre dans le conflit en Syrie et risque de déstabiliser la région.
Jusqu’où l’armée turque veut-elle aller?
L’offensive turque en Syrie a suscité une volée de critiques internationales et des menaces de sanctions américaines. Mais la réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies appelée en urgence le 10 octobre n'a débouché sur aucune résolution contraignante. Du fait des réserves américaines et russes, les Européens ont dû se contenter d'y lancer un appel à l'arrêt par la Turquie de son «action militaire unilatérale».
Pour la première fois, le président américain a évoqué jeudi la possibilité d'une médiation américaine. Un haut responsable du département d'État a confirmé que Donald Trump avait chargé ses diplomates «de voir s'il y a des zones d'entente possibles entre les deux parties, s'il est possible de parvenir à un cessez-le-feu».
Cependant, Recep Tayyip Erdogan en a vu d’autres. Comme dans ses conflits précédents avec les Occidentaux, il sait disposer envers eux d'un atout dissuasif: «Ô Union européenne, reprenez-vous. Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants», a-t-il ainsi menacé à Ankara.
Dans la pratique qu'il connaît bien pour l'avoir éprouvée, seules les sanctions économiques - américaines, surtout - représentent une menace de nature à modérer ses appétits et donc l’ampleur de son intervention. Mais elles seront longues à se mettre en place. Et d’ici là …