(VOVWORLD) - Le 17 décembre, le Parlement européen a adopté un plan de la Commission européenne visant à mettre fin, d’ici à la fin de 2027, à l’ensemble des importations de gaz russe. Une décision présentée comme une étape majeure, et hautement ambitieuse, dans la stratégie de découplage énergétique durable des 27 vis-à-vis de la Russie. Le texte a en tout cas été approuvé par 500 voix pour, 120 contre et 32 abstentions.
Une sortie programmée
Conformément à l’accord trouvé entre les États membres de l’Union européenne début décembre et entériné par le Parlement européen le 17 décembre, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe devront cesser progressivement avant le 31 décembre 2026, tandis que les importations de gaz acheminé par gazoducs prendront fin au plus tard le 30 septembre 2027. Une clause de flexibilité prévoit toutefois la possibilité, pour les États membres dont les niveaux de stockage seraient inférieurs aux seuils obligatoires, de repousser l’échéance jusqu’au 31 octobre 2027.
Dans le détail, les contrats d’approvisionnement à court terme conclus avant le 17 juin 2025 seront concernés par une interdiction d’importation à compter du 25 avril 2026 pour le gaz naturel liquéfié et du 17 juin 2026 pour le gaz par gazoduc. S’agissant des contrats de long terme pour le gaz naturel liquéfié, également signés avant le 17 juin 2025, l’interdiction entrera en vigueur le 1er janvier 2027, conformément au 19ᵉ paquet de sanctions adopté par l’Union européenne contre la Russie. Les livraisons de gaz par gazoduc dans le cadre de contrats de long terme resteront, quant à elles, autorisées jusqu’au 30 septembre 2027. En cas de difficultés persistantes pour atteindre les niveaux de stockage requis, l’interdiction concernant le gaz par gazoduc ne s’appliquerait alors qu’à partir du 1er novembre 2027.
Les modifications apportées aux contrats existants ne pourront en aucun cas entraîner une augmentation des volumes importés ni des prix. En pratique, l’Union européenne prévoit ainsi d’avoir mis un terme définitif à toutes les importations de gaz russe au plus tard en novembre 2027.
Si cette interdiction doit encore être formellement approuvée lors d’une réunion ministérielle de l’Union européenn, attendue début 2026, celle-ci est considérée comme une formalité. Le vote du Parlement européen est perçu comme la levée du dernier obstacle juridique majeur, comme l’a tenu à saluer le commissaire européen à l’Énergie, Dan Jørgensen.
«Ce dont je suis sans doute le plus fier, c’est que cette décision n’est pas temporaire. Il ne s’agit pas d’un mécanisme réexaminé tous les six mois, qui permettrait de reprendre les importations de gaz russe pour des raisons économiques internes. C’est un non définitif, pour toujours. Nous ne devons plus jamais répéter les erreurs du passé», a-t-il martelé.
Selon les données de la Commission européenne, depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien en février 2022, les États membres ont dépensé environ 254 milliards de dollars pour importer de l’énergie russe. Aujourd’hui encore, l’UE débourse près de 47 millions de dollars par jour pour ces importations. Un montant supérieur à l’aide financière apportée par l’Union à l’Ukraine sur la même période, soit une situation jugée inacceptable par de nombreux dirigeants européens.
Des défis considérables
La rupture énergétique avec la Russie est présentée par Bruxelles comme un tournant historique, mais nombre d’observateurs doutent de la capacité de l’Union européenne à atteindre un tel objectif dans un délai aussi court.
En réalité, depuis février 2022, la part du gaz russe dans les importations européennes est passée de 45% à environ 13%. Dans le même temps, les importations de pétrole brut russe ont chuté de 26 à 2%, et les importations de charbon de 51% à rien du tout.
Pour autant, l’abandon total de l’énergie russe demeure un défi majeur. L’un des principaux points de friction réside dans les divergences entre États membres. La Slovaquie et la Hongrie restent fortement dépendantes des approvisionnements russes et se heurtent à des contraintes contractuelles et géographiques qui limitent leur capacité à diversifier rapidement leurs sources. D’où leur opposition constante à une interdiction totale des importations de gaz russe.
Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, a ainsi évoqué la possibilité d’un recours juridique.
«Nous envisagerons une action en justice. Tout dépendra de la manière dont la Commission européenne remplira ses obligations envers la Slovaquie. Je rappelle que notre pays a voté contre l’arrêt de ces flux de gaz. Cette décision, qui aurait dû être adoptée à l’unanimité, ne l’a été qu’à la majorité, ce qui constitue, selon moi, une violation de certains principes fondamentaux de l’Union européenne», s’est-il indigné.
Au-delà des dissensions politiques, la sortie complète de l’énergie russe suppose une coordination étroite, des investissements massifs dans les infrastructures énergétiques, une diversification accrue des sources d’approvisionnement, ainsi qu’une accélération du développement des énergies renouvelables. L’objectif est d’assurer la sécurité énergétique du continent sans provoquer de choc économique majeur.
Or, les principaux fournisseurs actuels de gaz de l’Union européenne présentent tous des limites. La Norvège, premier fournisseur par gazoduc, a livré environ 91 milliards de mètres cubes de gaz en 2024, mais sa capacité de production reste contrainte. En ce qui concerne les États-Unis, qui représentent près de 45% des importations européennes de gaz naturel liquéfié, une expansion est envisageable, mais elle renforcerait la dépendance de l’Union à un seul fournisseur. Quant à l’Algérie, qui fournit environ 39 milliards de mètres cubes de gaz par gazoduc et sous forme de gaz naturel liquéfié, son potentiel de croissance est freiné par la hausse de la demande intérieure.
Selon Tatiana Mindekova, conseillère en politique énergétique européenne au sein du groupe de réflexion Ember, aucun fournisseur n’est aujourd’hui en mesure de remplacer intégralement le gaz russe à lui seul.