Washington rebat les cartes du nucléaire iranien: vers un compromis pragmatique?

(VOVWORLD) - Les États-Unis relancent la diplomatie nucléaire avec l’Iran. Washington vient de formuler une nouvelle proposition, transmise par l’intermédiaire du sultanat d’Oman, qui pourrait marquer un tournant dans les négociations gelées depuis plusieurs mois. Ce plan prévoit une levée partielle des sanctions en échange de garanties techniques et politiques sur le programme nucléaire iranien. À Téhéran comme à Washington, les signaux se multiplient: un nouvel accord semble à portée de main. Mais l’équation reste délicate, et les lignes rouges des deux camps n’ont pas disparu.
Washington rebat les cartes du nucléaire iranien: vers un compromis pragmatique? - ảnh 1 La centrale nucléaire de Bushehr, en Iran. Photo: REUTERS/IRNA/Mohammad Babaie

La nouvelle proposition américaine

Transmise à l’Iran le 31 mai par le ministre omanais des Affaires étrangères, Sayyid Badr Albusaidi, la proposition américaine autoriserait Téhéran à enrichir de l’uranium à un niveau plafonné à 3%, conformément aux normes civiles fixées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’Iran pourrait conserver une partie de ses infrastructures nucléaires, mais devrait stopper l’enrichissement dans ses installations souterraines, geler tout développement de nouvelles centrifugeuses et exporter l’uranium déjà enrichi hors de ses frontières.

Le texte prévoit un mécanisme de vérification renforcé, incluant l’application automatique du Protocole additionnel de l’AIEA. Les États-Unis, de leur côté, allégeraient les sanctions économiques une fois les obligations iraniennes remplies.

Un changement de cap à Washington

Le 1er juin, plusieurs médias américains ont rapporté que la Maison Blanche avait donné instruction à ses départements clefs – Affaires étrangères, Trésor et Conseil national de sécurité – de geler toute nouvelle sanction contre l’Iran. Une décision qui tranche avec la politique de «pression maximale» mise en œuvre depuis 2018, lorsque Donald Trump avait unilatéralement retiré les États-Unis de l’accord nucléaire de 2015.

L’analyse de Mehrdad Khonsari, ancien diplomate iranien et spécialiste du Moyen-Orient, éclaire les motivations de ce virage. 

«L’objectif prioritaire des États-Unis est d’éliminer toute menace liée au programme nucléaire iranien. Pour Téhéran, l’enjeu principal reste la levée des sanctions économiques», explique-t-il.

L’Iran, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Esmaeil Baghaei, a répondu avec circonspection. Selon lui, l’absence de garanties claires sur la levée effective des sanctions empêche toute approbation immédiate du plan.

Mais certains observateurs y voient une avancée notable: l’acceptation par Washington d’un enrichissement d’uranium civil par l’Iran va dans le sens voulu par la République islamique. C’est d’ailleurs ce qu’a tenu à rappeler, le 1er juin dernier, le président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique.

«Le programme d’enrichissement est la pierre angulaire de notre industrie nucléaire civile», a déclaré Mohammad Eslami.

Un accord dans l’intérêt des deux camps

Des deux côtés, les motivations pour conclure rapidement sont tangibles. Pour l’Iran, il s’agit d’atténuer la pression économique, dans un contexte de crise. Pour Donald Trump, l’enjeu est politique: montrer qu’il peut stabiliser un dossier brûlant de la scène internationale, alors que d’autres fronts, notamment l’Ukraine et Gaza, mobilisent déjà son administration.

«L’Iran cherche à éviter une nouvelle vague de sanctions, une menace brandie par les pays européens en cas de piétinement des négociations. De son côté, Donald Trump veut afficher un succès diplomatique au Moyen-Orient et prouver qu’il est à la fois le négociateur et le dirigeant capable d’apporter la paix à cette région. Le temps presse, mais des obstacles subsistent», note Sanam Vakil, directrice du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House.

En effet, rien n’est sûr. L’AIEA a révélé la semaine dernière que l’Iran continuait d’enrichir de l’uranium à un niveau proche de l’usage militaire, une accusation que Téhéran rejette. Le 2 juin, une réunion tripartite entre l’AIEA, l’Iran et l’Égypte s’est tenue au Caire pour tenter de désamorcer les tensions.

Washington rebat les cartes du nucléaire iranien: vers un compromis pragmatique? - ảnh 2Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi. Photo: REUTERS

Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, propose une implication plus directe de son agence. «Quand des propositions sont sur la table pour éviter un nouveau conflit dans une région déjà meurtrie, l’AIEA doit jouer un rôle, pas en tant que négociateur, mais en tant que garant», dit-il.

Un nouveau cycle de négociations pourrait s’ouvrir dès la fin de la semaine si Téhéran donnait son feu vert.

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