Les épopées du Tây Nguyên-l’écho de la jungle

(VOVWORLD) - Pour les minorités ethniques des Hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên), les épopées résument mieux que tout leurs histoires et leurs expériences de vie accumulées à travers les générations. Chaque épopée traduit leur âme, résonnant tel l’écho de la jungle. Cet écho, qui pendant quelques années était devenu presqu’inaudible, est revenu avec force aujourd’hui quand, dans les villages, les représentations ont repris.
Les épopées du Tây Nguyên-l’écho de la jungle - ảnh 1Le jeune artiste Y Wôn Knul présente au public l’épopée de Mdrong Dam. Photo: VOV

Dans sa maison longue, à côté d’un feu vacillant en pleine nuit, Y Wôn Knul chante lentement en accentuant les mots. Sa chanson raconte l’histoire de Mdrong Dam, un héros de l’ethnie Ede.

Du haut de ses 40 ans, cet homme s’est immergé depuis 20 ans dans l’espace culturel des épopées du Tây Nguyên. Y Wôn Knul est aujourd’hui reconnu comme étant un jeune maître conteur de Buôn Ma Thuôt, dans la province de Dak Lak. 

«Quand j’étais petit, j’habitais dans une maison longue et partout où j’allais dans le village, j’entendais des gongs et des épopées. C’est en grandissant que j’ai commencé à comprendre la signification des mots qui sont très profonds. J’admire vraiment nos ancêtres pour avoir créé des épopées aussi longues, aussi détaillées et tout en vers. Plus je comprends les mots, plus je les apprécie», partage-t-il.

Le fait de pouvoir vivre dans l’espace culturel des épopées du Tây Nguyên permet à Y Wôn Knul et aux autres membres de minorités ethniques du Tây Nguyên de perpétuer cette tradition de manière tout à fait naturelle. Voilà la plus grande différence entre les épopées du Tây Nguyên et celles d’autres régions du monde, qui n’existent plus que dans les livres. Au Tây Nguyên, transmises de génération en génération par voie orale, elles sont ancrées dans la mémoire collective et représentées lors de rassemblements communautaires.

Chaque communauté donne un nom différent au mot ‘épopée’. Les Édé utilisent le mot khan, les Jrai l’appellent hri, les Mnông l’appellent ot ndrông tandis que les Bahnar utilisent le mot hamon. Leur point commun consiste à rendre compte des grands évènements ayant affecté la communauté et à célébrer les héros ayant protégé le village contre les forces des ténèbres. Les protagonistes des épopées ne sont pas de simples individus, ils représentent les aspirations de leur communauté et ses luttes pour de nobles causes, comme l’indique la professeure associée Buôn Krông Tuyêt Nhung, de l’université du Tây Nguyên.

«Chaque épopée raconte une histoire sur des thématiques aussi variées que la guerre, la fusion de tribus, le mariage, la famille, le travail et la production, ou encore la vie spirituelle. Chaque œuvre nous offre un tableau haut en couleur de la vie sociale d’une des différentes communautés ethniques du Tây Nguyên», note-t-elle.

Les épopées du Tây Nguyên-l’écho de la jungle - ảnh 2L'épopée est jouée lors des cérémonies, de funérailles et de mariages. Photo : VOV

Les représentations publiques des épopées se déroulent de nuit, dans les familles organisant un grand évènement tel qu’une fête, un mariage ou des funérailles. Les gens se mettent autour du feu. Tranquillement, le conteur introduit l’épopée qu’il racontera en chantant et en effectuant des gestes théâtraux. Certaines épopées peuvent être racontées en une nuit, d’autres nécessitent plusieurs nuits, parfois une semaine. C’est ainsi qu’elles sont transmises à la jeune génération, comme l’explique Y Wang H Wing, un maître conteur émérite du district de Cu Mgar, dans la province de Dak Lak. 

«Je suis très motivé en apprenant la décision de l’État de financer la création de classes pour apprendre à raconter des épopées et à jouer du gong ainsi que la collecte de littératures en vers traditionnelles. J’espère que les jeunes générations perpétueront ces traditions et les feront connaître le plus largement possible», déclare-t-il.

Entre 2001 et 2008, les experts de l’Institut des sciences sociales du Vietnam ont pu collecter plus de 800 épopées en réalisant 5.700 enregistrements de 90 minutes chacun. Naturellement, ce chiffre ne représente qu’une partie de l’immense patrimoine épique du Tây Nguyên.

Par suite de l’inscription des épopées du Tây Nguyên au patrimoine culturel immatériel national, en 2014, les collectivités locales concernées ont multiplié les initiatives pour sauvegarder et donner à cette tradition précieuse une digne place dans la vie contemporaine.

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