VOVWorld: Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager en faveur des victimes de l’agent orange au Vietnam?
Chris Geyskens: J’aime énormément le Vietnam et j’ai une grande admiration pour le peuple vietnamien, notamment pour sa capacité à surmonter les épreuves et à se battre pour l’avenir. La première fois que j’ai eu l’occasion d’aller au Vietnam, c’était lorsque je travaillais encore dans le domaine du tourisme. J’ai alors pris conscience de l’ampleur et de la beauté de ce pays. Début 2013, des diplomates vietnamiennes en Belgique m’ont encouragé à visiter le centre du Vietnam, me disant qu’il fallait absolument le découvrir. C’est comme ça que j’ai découvert les activités de HAVA. Un an auparavant, j’avais participé à une organisation de bénévoles qui avait organisé un tournoi de golf pour collecter des fonds. J’avais prévu d’envoyer directement l’argent récolté au Vietnam, mais on m’a conseillé d’y aller moi-même pour mieux comprendre. J’ai suivi ce conseil, et ce voyage m’a profondément marqué. Je me suis rendu à Hội An pour rencontrer des personnes touchées par l’agent orange. C’était bouleversant de découvrir cette réalité que peu de gens connaissent, même après toutes ces années. En Belgique, pratiquement personne ne parlait de ce sujet.
VOVWorld: Ainsi, après ce voyage, de nombreux projets caritatifs ont-ils vu le jour?
Chris Geyskens: En 2014, j’ai eu l’honneur d’être nommé par le gouvernement vietnamien représentante de la branche belge de l’Association internationale des victimes de l’agent orange. J’en suis fière car nous sommes les seuls en Belgique à avoir été officiellement désignés pour aider les victimes de l'agent orange à Hội An. Beaucoup de gens me demandent: «Pourquoi récoltes-tu des fonds pour un pays aussi éloigné? Pourquoi ne pas aider directement les gens en Belgique?» À cela, je réponds simplement que c’est une question de cœur. Mon amour pour le Vietnam et son peuple guide mon engagement. Par ailleurs, il y a un an, le Sénat belge a officiellement reconnu l’état de victime de l’agent orange, une décision qui a été approuvée et votée. Je crois que nous sommes l’un des seuls pays au monde à avoir pris une telle initiative. Je pense que nos efforts ont largement contribué à sensibiliser la Belgique à l’existence et à la situation des victimes de l’agent orange.
VOVWorld: Comment avez-vous réussi à mobiliser des ressources à travers des événements sportifs, et quels impacts concrets ces initiatives ont-elles eu sur les communautés locales?
Chris Geyskens: Cela fait maintenant 11 ans que je me bats pour sensibiliser à cette cause. J’organise régulièrement des collectes de fonds à travers des événements sportifs, avec le soutien de l’ambassade du Vietnam en Belgique. Mon objectif est de remettre chaque année l’argent directement aux victimes. Grâce à ces efforts, nous avons pu créer une microéconomie autour de ces projets. Nous avons aidé des victimes encore suffisamment mobiles à poursuivre leur scolarité ou à démarrer un petit commerce. Chaque année, lorsque je retourne sur place, je constate avec fierté le suivi et le développement des initiatives que nous avons soutenues. Cela montre comment, à notre échelle, nous pouvons réellement faire une différence. Je tiens également à remercier les membres de HAVA, qui se battent chaque jour pour soutenir les victimes. Leur travail est remarquable, notamment parce qu’ils m’informent régulièrement de la situation : le nom des victimes, leurs parents, leur adresse, les progrès réalisés, ou encore les cas de personnes malheureusement condamnées à vivre avec des handicaps permanents et qui ne peuvent plus être soignées.
VOVWorld: Quel cas vous a le plus ému?
Chris Geyskens: C’était lors de ma première visite sur place, accompagnée de Mme Hoa, qui est toujours la présidente de HAVA. Elle m’a présenté plusieurs victimes, et parmi elles, une personne que j’ai d’abord prise pour un enfant de 12 ou 13 ans. En réalité, cette personne avait déjà une trentaine d’années. Ca a été un choc pour moi. Je ne mesurais pas encore l’étendue du malheur, l’atrocité de cette situation, ni les conséquences dévastatrices de l’agent orange. Ce moment a été un déclencheur. J’ai commencé à réfléchir à des moyens concrets pour aider, notamment les parents, car je voyais bien qu’ils étaient toujours aux côtés de leurs enfants mais manquaient de moyens financiers pour offrir les soins nécessaires. Avec l’aide précieuse de femmes d’Europe, nous avons lancé un projet de microéconomie basé sur l’élevage de volailles. Nous avons démarré avec 12 élevages: chaque foyer recevait 9 poules et 3 coqs. Nous avons également fait intervenir des vétérinaires pour vacciner les volailles. Grâce à ce projet, les familles ont pu produire des œufs, élever des poussins et ainsi générer des revenus réguliers. Chaque année, lorsque je retourne à Hội An, je visite ces fermes. Aujourd’hui, elles se sont considérablement développées, et c’est une immense satisfaction de voir un petit projet initial devenir une véritable source de vie pour ces familles. En parallèle, nous avons également lancé un projet de culture de champignons, qui en est maintenant à sa cinquième année. Ce projet a aussi rencontré un grand succès. Les parents des victimes m’envoient régulièrement des nouvelles via Zalo, avec des photos qui montrent l’évolution de leurs initiatives. C’est fantastique de constater l’impact positif de ces actions sur leur quotidien.
VOVWorld: Pensez-vous que le sport en général et le golf en particulier peut être un vecteur efficace, un outil efficace, un moyen efficace pour collecter des fonds, pour sensibiliser les gens pour des causes sociales?
Chris Geyskens: En 11 ans, notre tournoi de golf a réussi à collecter 71.000 euros pour venir en aide à une trentaine de familles victimes de l’agent orange à Hôi An. Le golf est d’abord un sport individuel, mais c’est aussi un sport social. C’était donc une très belle opportunité de faire connaître aux Belges l’existence des victimes de l'agent orange. Aujourd'hui, cet événement est devenu bien connu dans ce milieu. Un ami vietnamien m’a dit: «Ton événement, il n’est même plus nécessaire de le rappeler. Les gens savent maintenant que la Coupe de Golf de l’Ambassadeur du Vietnam est une success story. Ils veulent être présents, participer et bien sûr, gagner».
VOVWorld: Envisagez-vous de nouvelles formes de soutien pour les enfants souffrant de malformations causées par l’agent orange afin de leur assurer un meilleur futur?
Chris Geyskens: Il faut continuer de les accompagner et nous en sommes maintenant à la quatrième génération. Nous avons contribué à créer de l'emploi: par exemple, une personne, qui n'est pas gravement malade, a pu ouvrir un petit coffee shop sur une plage. C'est une belle progression, car lorsque je l'ai rencontré pour la première fois il y a quatre ans, elle ne pouvait même pas bouger. C'est un programme très riche en activités, effectivement. Il ne s’adresse pas seulement à la victime, mais aussi à ses parents, sa famille et même à son environnement. Lorsque je suis allé pour la première fois dans ces villages, j'ai vu des maisons dans un état très précaire, presque insalubres. J’ai alors mobilisé des fonds, et avec l’aide de jeunes bénévoles, nous avons rénové certaines de ces maisons. Elles sont désormais habitables: les murs sont repeints, les toits réparés, et les habitants ne dorment plus à même le sol. Chaque année, nous veillons à leur fournir des lits. Au début, c’était beaucoup plus difficile qu’aujourd'hui, mais je suis vraiment fière de voir l’évolution accomplie. Ces transformations montrent à quel point un engagement soutenu peut changer des vies.
VOVWorld: Merci à vous pour cet entretien. Je vous souhaite une excellente santé pour poursuivre vos projets humanitaires, empreints de sens et de bienveillance.