De nombreux participants assistent à la Nuit des idées 2025 à l’Ambassade de France à Hanoï. Photo: Institut français de Hanoi |
Des étoiles plein les yeux: rêver, échouer, se réinventer…
«J'étais une petite fille de 12 ans qui a été complètement fascinée par le premier pas de l'homme sur la Lune. Et donc, ça a allumé des étoiles dans mon esprit d'enfant et pendant mon adolescence»
Juillet 1969. Claudie Haigneré a 12 ans et regarde Neil Armstrong poser le pied sur la Lune. Face à l'absence de modèles féminins dans l'astronautique, elle choisit la médecine avant de saisir, des années plus tard, l'opportunité de devenir la première Française à aller dans l'espace
«Et en se faisant plaisir, on apprend, on grandit, on rencontre, on fait des liens, on s'épanouit. Il faut toujours viser la Lune, car même en cas d'échec, on retombe dans les étoiles», nous confie-t-elle.
Mais que se passe-t-il quand le rêve ne se réalise pas? Avant de devenir femme d’affaires, Nguyên Thi Nhung, elle, voulait enseigner le français.
«Quand j'étais petite, quand j'étais à l'école, je voulais juste devenir professeur de français. Mais la vie réserve toujours des surprises. Je n'ai pas pu réaliser mon rêve. Parce que j'ai essayé, mais en fait, je n'ai pas pu avoir un poste…», nous raconte-t-elle.
Cette porte fermée n’aura pas été un échec, mais le début d’une nouvelle trajectoire axée sur l’entreprenariat, et sur la création de marques comme La Table Hanoïa ou Alba Wellness Valley - un horizon que Nguyên Thi Nhung n'aurait jamais imaginé.
«Je pense qu'il faut qu'on ait des rêves, et je le dis aux enfants, aux filles, aux garçons: il y a des rêves, même les grands rêvent... Mais parfois, les rêves, quand ils sont très, très grands, ce n'est pas facile de les réaliser. Mais faites-vous plaisir à chacun des pas sur le chemin du rêve. Et en se faisant plaisir, on apprend, on grandit, on rencontre, on crée des liens, on s'épanouit», nous confie-t-elle.
Deux parcours, une même philosophie: viser haut, avancer pas à pas, et savoir que même en ratant la Lune, on peut atterrir dans les étoiles…
En France, de nombreuses écoles portent le nom de Claudie Haigneré et cette dernière a inspiré la prochaine astronaute française, Sophie Herlaut, qui s'envolera début 2026: «Si elle y arrive, pourquoi pas moi? »…
Redéfinir le pouvoir: de l'autorité à l'inspiration
Claudie Haigneré, la première Française dans l'espace. Photo: Institut français de Hanoi |
Et quand il s’agit de définir le pouvoir, Claudie Haigneré bouscule les codes.
«Pour moi, le pouvoir ce n'est pas par un statut, et je pense qu'aujourd'hui c'est plutôt un pouvoir d'impact pour permettre à d'autres de réaliser des choses. Ce qui est important, c’est le pouvoir d'influencer, d'inspirer, d'ouvrir des possibles, et à partir de ça, de mobiliser une intelligence collective, des talents hybrides, des jeunes, des moins jeunes, des hommes, des femmes…», nous dit-elle.
Nguyên Thi Nhung a emprunté un chemin similaire, passant d'une quête de validation externe à une philosophie plus profonde.
«Au début, je voulais un résultat, je voulais réussir, je voulais que mes collaborateurs me disent ‘oui, bravo’, je voulais l'approbation des gens, tout le temps... Et tous mes efforts, c'était pour obtenir de l'approbation, des bravos, à droite, à gauche... », se souvient-elle.
La transformation est venue lors d'une retraite méditative. Nguyên Thi Nhung a changé du tout au tout. Et désormais, son approche est centrée sur le hic et nunc. La personne la plus importante: celle en face d'elle, maintenant. L'événement le plus crucial: celui qui se déroule à l'instant présent...
«Je pense que c'est toujours la même personne. La façon dont tu es au bureau, comment tu traites les gens au bureau, comment tu communiques avec les gens, c'est pareil à la maison. Tu penses que c'est très important que tu cultives la gentillesse, que tu cultives la bienveillance, que tu respectes les petites personnes. Si tu commences par la racine des choses, tu trouveras l'équilibre», nous explique-t-elle.
Pourtant, Nguyên Thi Nhung ne se contente pas de cette sagesse personnelle. Elle la transmet donc activement à son entourage et dans son entreprise, créant une culture d'entreprise bienveillante où chacun peut s'épanouir.
Au-delà de l'égalité: vers l'équité
Dans le monde scientifique vietnamien, Phan Thi Hà Duong, directrice du Centre mathématiques de l'UNESCO, fait face à une réalité troublante. Au Vietnam, sur 100 professeurs de mathématiques, seulement 3 sont des femmes. Sur 300 professeurs associés, 25 sont des femmes. Ces chiffres, 3% et 8%, révèlent un écart considérable même par rapport aux pays européens ou à certains voisins asiatiques comme les Philippines ou la Thaïlande, où le pourcentage peut atteindre de 25 à 40%. Face à cette situation, elle propose un changement radical.
«Au Vietnam, pour le moment, on pense à l’égalité. C'est déjà très bien pour les femmes. Mais je pense que l'égalité n'est pas suffisante. Et on doit penser à l'équité. C'est-à-dire ne pas seulement donner des conditions égales pour les hommes et les femmes, mais donner de l'équité. C'est-à-dire que dans certaines conditions, il faut donner des conditions plus favorables pour les femmes», estime-t-elle.
Cette distinction entre égalité et équité est fondamentale. Phan Thi Hà Duong reconnaît que les femmes font face à des obstacles spécifiques - grossesse, charges familiales - qui nécessitent des ajustements concrets: bourses dédiées, âge limite plus élevé pour les postes de post-doctorat, quotas minimums dans les comités scientifiques...
«Mes étudiantes, si elles retournent dans leur ville natale, elles doivent travailler pour leur famille et c'est difficile, pour elles, de développer une carrière», constate-t-elle.
Une transformation en cours
De gauche à droite: Trân Van Công, responsable du CREFAP/OIF et animateur de la rencontre, aux côtés des trois intervenantes Phan Thi Hà Duong, Claudie Haigneré et Nguyên Thi Nhung. Photo: Institut français de Hanoi |
Ces trois parcours convergent vers une même vérité: le pouvoir authentique ne se construit pas sur la domination mais sur l'intelligence collective, la bienveillance et la capacité à inspirer.
Mais cette transformation reste inachevée. Les obstacles systémiques persistent: inégalités salariales, charge mentale disproportionnée, sous-représentation dans les postes à haute responsabilité….
Une chose est sûre: la route est longue, parsemée de météorites et de trous noirs. Mais dans cette galaxie en mutation, les voix s'élèvent déjà, les modèles se multiplient, et surtout, une nouvelle génération observe, apprend de leurs trajectoires et se prépare à écrire la suite de cette histoire.