(VOVWORLD) - “Ce n’est pas qu’une histoire sur le papier, c’est un miroir de nos propres vies!” Des éclats de voix, des convictions qui s’entrechoquent... et une passion commune pour la langue française. Nous sommes à Quy Nhơn, au cœur d’un jury littéraire pas comme les autres: celui de l’édition 2025 du Choix Goncourt du Vietnam. Portée par l’Ambassade de France et l’Académie Goncourt, cette initiative unique offre aux étudiants vietnamiens francophones l’occasion de lire, débattre… et élire leur propre lauréat.
L'équipe du Goncourt 2025. Photo: Département de Français - Université de Hanoi |
L’édition 2025, la troisième du genre, s’est déroulée à Quy Nhon, du 22 au 24 août, en trois demi-journées intenses rythmées par des discussions et des débats passionnés. Quatre romans étaient en lice: Houris de Kamel Daoud, Jacaranda de Gaël Faye, Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette, et Archipels de Hélène Gaudy. Des voix différentes, mais un même écho: les blessures de l’histoire, les silences hérités, et la mémoire qu’il faut transmettre. Parmi ces œuvres, Houris de Kamel Daoud a particulièrement ému Nguyên Ngoc Nhu Quynh, de l’Université de Hué.
«Mon livre préféré parmi les quatre finalistes cette année, c’est Houris, parce que je me sens touchée par l’histoire originale de cette femme qui a traversé deux guerres, et par l’amour maternel entre la femme et son bébé dans le ventre», dit-elle.
Mais face à ce récit sur la guerre et la maternité, un autre roman a trouvé un écho particulier, celui de la mémoire et de la reconstruction. Jacaranda, de Gaël Faye. Une œuvre défendue avec ferveur par Nguyên Nhu Quynh, étudiante de l’Université de langues et d’études internationales de l’Université nationale de Hanoi.
«C’est la première fois que j’ai la chance de lire Jacaranda. Et je pense que ce livre va attirer beaucoup de lecteurs vietnamiens parce qu’il parle des conséquences du génocide et aussi des relations familiales», indique-t-elle.
Une séance de débat entre les étudiants. Photo: Ambassade de France au Vietnam |
Cette capacité à argumenter ne s’improvise pas. En amont, des professeures préparent leurs étudiants à devenir de véritables jurés littéraires. À Hô Chi Minh-Ville, Trân Lê Bao Chân a observé une approche particulière chez ses étudiantes.
«La première spécificité, c’est qu’ils cherchent toujours des échos dans les références culturelles et littéraires. Par exemple, quand ils lisent Houris ou Jacaranda, ils essaient de comprendre les références culturelles et littéraires et de les rapprocher de la culture vietnamienne pour mieux saisir le sens. La deuxième spécificité, c’est que mes étudiants sont issus de la filière traduction-interprétation. Donc, ils font très attention à la langue, à l’écriture et au style. Pendant leur lecture, ils sont très sensibles à tout ce qui est sociolinguistique et se posent régulièrement des questions interlangues», déclare-t-elle.
Comprendre, mais aussi surmonter ses propres appréhensions. Car aborder ces œuvres de la littérature francophone peut être intimidant. Hô Thi Ngân Diêp, professeure à l’Université de Danang, a vu ses étudiantes se transformer.
«Au début, elles ont éprouvé une certaine crainte, parce qu’elles allaient lire des œuvres littéraires. Mais au fil des rencontres, elles ont développé un véritable enthousiasme, voire une passion pour la littérature française. Et à la fin, elles ont éprouvé un énorme enthousiasme et aussi une passion pour la littérature française», remarque-t-elle.
Une passion qui s’est exprimée dans la qualité des débats. Une évolution notée par Pauline Vidal, de l’Ambassade de France.
«Par rapport à l’année dernière, la parole est beaucoup plus partagée. On commence à comprendre les méthodes du débat, l’importance de partager les arguments chacun son tour et d’utiliser les bons mots. Le sens des mots est très puissant. Par exemple, employer ‘par contre’ ou ‘en revanche’. Hier, j’ai même entendudes élèves utiliser des termes précis, je n’ai plus l’exemple parfait, pour renforcer les arguments. Ca, l’année dernière, on le voyait beaucoup moins», dit-elle.
Et le lauréat est... Jacaranda de Gaël Faye. Par sa poésie et sa réflexion sur l’héritage du génocide rwandais, Jacaranda a su toucher au cœur le jury étudiant. Une immense joie pour Nguyên Nhu Quynh et son équipe.
«C’est la deuxième fois que j’ai participé au prix Goncourt et aussi la deuxième fois que mon équipe gagne. Alors, je me sens vraiment heureuse et chanceuse», s'exclame-t-elle.
Heureuse, chanceuse... et entendue. Goncourt - le Choix du Vietnam est devenu une affirmation. Celle d’une jeunesse curieuse, critique, qui non seulement dialogue avec la culture francophone, mais y prend toute sa place. En choisissant un roman sur la mémoire et la transmission, ces vingt étudiants nous rappellent que les grandes histoires sont celles qui nous aident à comprendre notre propre monde.