(VOVWORLD) - Dans la province septentrionale de Bac
Giang, la communauté Nùng compte 73.900 âmes, réparties essentiellement dans
les districts de Luc Ngan, Yên Thê, Luc Nam, Son Dông et Lang Giang. Ce peuple
dispose d’un riche patrimoine culturel constitué de mœurs et de rites
folkloriques originaux. L’un des plus singuliers est la fête d’anniversaire que
les enfants et les petits-enfants organisent pour leurs parents et leurs grands-parents.
Le
chaman invoque les divinités, les priant d’apporter santé et longévité à cette
personne et chance à sa famille - Photo VP
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Chez les Nùng, il faut avoir au moins... 60 ans et au moins un enfant pour prétendre
à une fête d’anniversaire de sa naissance, organisée par sa descendance. Et
cette fête est bien plus rituelle que festive. Pour les Nùng de Bac Giang, la
tradition veut qu’elle soit animée par un chaman et une chamane qui est également
chanteuse de then, le then étant le chant rituel typique de cette ethnie. Et
qui dit rite dit offrandes. Celles-ci comprennent de l’argent et des objets
votifs, un cochon, un poulet, du riz, de l’alcool, du sel, de l’eau, des
friandises… et l’incontournable «gâteau rouge», un bloc de riz gluant rond et
teint en rouge avec des feuilles de forêt par - et ceci est très important - le
ou les gendres et la ou les brus de la personne dont c’est l’anniversaire. Le
chaman invoque les divinités, les priant d’apporter santé et longévité à cette
personne et chance à sa famille. La chamane chante de son côté des prières en
jouant de la cithare tinh et en dansant avec un éventail. Les membres de la
famille chantent et dansent avec elle. Parmi les gestes qu’ils effectuent, le
plus important consiste à ramer. Il faut dire que dans les croyances
populaires, l’âme de la personne dont c’est l’anniversaire voyage de l’autre
côté d’une rivière légendaire et il faut aller jusque-là pour la ramener chez
elle en ce jour important.
Les offrandes (Photo VP)
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La chamane chante sans
interruption pour chasser les mauvais esprits et porter chance à la famille. Au
fur et à mesure, les membres de la famille brûlent de l’argent et des objets
votifs pour les envoyer aux divinités. Pour se protéger des mauvais esprits,
ils cueillent des feuilles de pêcher et les écrasent dans leurs mains. Ses
prières dites, la chamane jette dans la cour des grains de riz présentés en
offrandes. Là aussi, c’est pour chasser les mauvais esprits et attirer la bénédiction
des génies.
La fête ou plutôt la
cérémonie d’anniversaire peut durer toute la nuit. Chose originale, l’âme de la
personne dont c’est l’anniversaire est censée pénétrer, non pas cette personne,
mais la chamane. Durant toute la cérémonie, celle-ci distribuera vœux et alcool
aux autres.
La
cérémonie prend fin quand les objets votifs ont tous été brûlés, dans la cour.
Les cendres s’envolent, emportant avec eux les messages adressés par les
humains aux responsables de l’au-delà.
Intéressons-nous
maintenant à la chamane. Tout le monde ne peut pas remplir cet office qui est,
dans la plupart des cas, une tradition familiale. Et ce n’est pas tout, comme
l’indique Vi Viêt Dung, un spécialiste des ethnies Tày et Nùng.
«Pour
devenir une chamane, il faut organiser une cérémonie à laquelle quatre chamans
confirmés seront invités. Ceux-ci délivreront une sorte de certificat à la
chamane, l’autorisant désormais à servir d’intermédiaire entre les deux
mondes», nous explique-t-il.
Selon Nguyên Thi Ngân, directrice du Musée
culturel des ethnies vietnamiennes, dans les croyances des Nung, un cycle de
vie dure 60 ans. Et si on vit au-delà, il faut organiser une fête
d’anniversaire pour chaque année supplémentaire. Ce sont les enfants qui sont
alors chargés d’organiser une cérémonie au cours de laquelle ils expriment leur
gratitude à leurs parents en leur souhaitant bonheur et longévité.
Dernière remarque, à la différence des
Kinh majoritaires, les Nùng ne commémorent pas l’anniversaire de la mort. Vive
la vie!