L’histoire de l’homme qui a planté le premier badamier sur l’île Truong Sa Lon

(VOV)- Au cours de son périple à Truong Sa, notre correspondant a eu la chance de rencontrer un ancien militaire qui était resté en poste dans l’archipel pendant une bonne dizaine d’années.  Le lieutenant-colonel Lê Văn Tấn - c’est son nom - y a en effet commandé la garnison entre 1978 et 1987. Il a même été le premier à planter un badamier sur l’île principale.

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Dans les années 1970, alors que le pays était encore en guerre, nombreux étaient les jeunes gens qui désiraient s’enrôler dans l’armée, pour répondre à l’appel de la patrie. Ca a été le cas du jeune Le Van Tan, la vingtaine, originaire de la province de Thanh Hoa, qui en 1971, a été affecté au front des Hauts Plateaux du Tay Nguyen. En 1975, au moment de la libération de Saigon et de la réunification nationale, il a célébré la victoire avec ses compagnons d’armes dans la jungle. Mais le devoir allait l’appeler encore une fois, et dès 1976, c’est sur l’île de Sinh Ton, l’une des îles de l’archipel de Truong Sa, qu’il était envoyé.  

Au début, les difficultés étaient innombrables. Il faut se figurer ce qu’était alors Sinh Ton : une île totalement en friche, où il n’y avait ni eau douce, ni légume, ni électricité bien évidemment... Pour se nourrir, les soldats devaient se contenter de boîtes de conserves rapportées du continent et des poissons qu’ils pêchaient en mer. Le Van Tan se souvient encore de cette époque héroique où tout était à inventer et où on ne pouvait compter que sur son courage et son ingéniosité.   « L’existence sur l’île était très difficile, au début. Le bois qui était nécessaire à la construction des baraquements provenait en partie du continent, en partie de la mer où on tâchait de récupérer des morceaux à la dérive. Pour le reste, on a dû s’improviser menuisier ! » , raconte-t-il.   


Lorsque les conditions de vie se sont un peu stabilisées à Sinh Ton, Le Van Tan a été affecté sur l’île principale de l’archipel, l’île de Truong Sa Lon. Le soir de son départ, ses compagnons ont chanté en s’accompagnant d’une guitare pour lui souhaiter bon vent. Sans oser le dire, Le Van Tan se rendait bien compte que les liens qui avaient été créés entre soldats allaient au-delà de la simple camaraderie. Même le petit chien qu’il avait élevé pendant deux ans l’a suivi jusqu’au bord de la mer, comme s’il ne pouvait pas se résoudre à l’inéluctable séparation.  

30 ans après, en revenant à Truong Sa, Le Van Tan a le coeur serré et les yeux tout embués de larmes. Aussitôt arrivé, il se rue sur un badamier, sur « son » badamier qui est devenu un arbre magnifique, avec sa coupe en parasol et son feuillage tout verdoyant. C’est toute une histoire, ce badamier, l’histoire de Le Van Tan, bien sûr, mais aussi l’histoire des pionniers de l’archipel, de tous ceux qui, contre vents et marées, rongés par la nostalgie du village natal, se sont échinés à y faire pousser des plantes et des légumes et à y bâtir quelque chose.

« Des fois, il n’y avait pas de postes de radio sur l’île. Lorsqu’ils tombaient en panne, on devait les envoyer sur le continent pour les faire réparer. Je me rappelle même qu’en 1978, le commandant a dû utiliser un appareil de communication militaire pour nous permettre de recevoir la radio au moment du nouvel An. C’était vraiment une époque difficile ! »  

Le Van Tan se souvient qu’un jour, en patrouillant sur la plage, il était tombé sur une espèce de noix, échouée dans le sable. Intrigué par sa forme quadrilatérale, il l’a mise en terre et l’a arrosée, en prélevant sur sa ration d’eau douce. Et quelle n’a pas été sa surprise en voyant apparaître un frêle arbrisseau ! C’est ainsi qu’est apparu le badamier, le tout premier de l’île, à l’époque où y faire pousser quelque chose tenait d’un petit miracle !    « C’est moi qui ai planté ce badamier, il y a une trentaine d’années. Maintenant, c’est un grand arbre. Et des badamiers, on en trouve partout dans l’archipel ! Avec leurs feuilles, on peut envelopper des gâteaux de riz, c’est d’ailleurs pour ça qu’on s’amuse parfois à parler de « badamier carré », dit M.Tan.     


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Le coucher du soleil sur la mer est vraiment magnifique. Les derniers rayons de soleil de la journée transpercent encore le feuillage du badamier pour carresser le costume du vieux combattant. De nos jours, à Truong Sa, le badamier est l’arbre fétiche des soldats en garnison. Ses noix sont offertes aux visiteurs comme souvenirs. Nguyen Van Hien, le commandant-adjoint de la garnison de l’île, se sent redevable envers Le Van Tan pour tout ce qui a été  accompli sur l’archipel : « Vous avez beaucoup oeuvré à la défense de l’archipel. Nous autres, qui sommes vos successeurs, nous sommes déterminés à suivre votre exemple et à défendre farouchement l’archipel »,  dit-il à son précédesseur.

Lorsque Le Van Tan quitte l’île, les jeunes soldats lui serrent fortement la main. C’est comme un passage de flambeau, d’une génération à une autre, mais avec de part et d’autre une volonté inébranlable de défendre la mer et les îles du pays. Dans sa main, Le Van Tan tient une branche du badamier qu’il déposera sur l’autel des ancêtres, chez lui.

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