Article 2 : La "langue de bœuf" est-elle basée sur des preuves historiques?

(VOV) - « L’argument historique » et « la souveraineté historique » dont la Chine se prévaut souvent pour justifier sa « ligne de langue de bœuf » sont des notions totalement erronées.

L’établissement de cette prétendue « langue de bœuf » est tissé d’incohérences et de questions sans réponse. Par sa note diplomatique du 7 mai 2009 adressée au Secrétaire général de l’ONU, comportant une carte incluant la « langue de bœuf », la Chine a quasiment sommé la communauté internationale de reconnaître « la nature historique de la langue de boeuf, de considérer la mer Orientale comme une baie historique ». Admettre cela, c’est admettre que l’ensemble de la mer Orientale n’est qu’un « bassin » de la Chine.

En 1962, la Commission juridique internationale avait mené une étude intitulée: « Le statut juridique des eaux historiques », y compris des baies historiques. Selon cette étude, une baie ou une zone maritime ne peut être considérée comme historique, en se basant sur les pratiques internationales et les jugements tribunaux, que si elle satisfait à au moins deux conditions. Primo, un Etat côtier doit avoir exercé sa souveraineté sur la zone réclamée de façon réelle, continuelle et pacifique durant une longue période. Secundo, il lui faut jouir de la reconnaissance publique ou constater l’absence de protestations d’autres pays, notamment des paysans voisins et de ceux ayant des intérêts dans la zone maritime en question.

Article 2 : La
Le manuel chinois de géographie de 1906 reconnaît que le territoire chinois se limite à l’île de Hainan


En partant de là, voyons si cette « ligne de langue de bœuf » s’appuie sur un droit historique ou si elle n’est que le fruit d’une auto-proclamation.   

La Chine doit tout d’abord démontrer qu’elle a exercé sa souveraineté sur l’ensemble de la zone maritime réclamée et par là-même que la zone maritime incluse dans la « ligne de langue de bœuf » jouit d’un statut juridique de la mer territoriale.

La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer de 1982 précise le statut juridique des eaux territoriales. Il en ressort que la zone des eaux territoriales est établie à partir de la terre ferme et bénéficie donc d’un régime juridique identique, ce qui revient à dire qu’elle est placée sous la souveraineté intégrale, complète et absolue de l’Etat côtier. Les navires étrangers qui la traversent doivent donc au préalable demander l’autorisation de l’Etat côtier et observer la législation et les pratiques de cet Etat.

Mais en réalité, depuis l’apparition de la « ligne de langue de bœuf » sur la carte publiée par la République de Chine en 1948, plusieurs bateaux étrangers, dont des navires de guerre, ont exercé leur droit à la libre navigation à l’intérieur de la zone incluse dans la « ligne de langue de bœuf », sans être inquiétés outre mesure. De ce fait, la zone maritime incluse dans la « ligne de langue de bœuf » ne peut pas être considérée come faisant partie des eaux territoriales chinoises.    

La mer territoriale d’un Etat côtier est considérée comme son territoire maritime. L’Etat en question jouit d’une souveraineté complète et intégrale sur sa mer territoriale, qui est  élargie jusqu’à l’espace aérien, aux fonds et aux sous-sol correspondants. Cependant, le droit international précise que tous types de bateaux peuvent traverser les eaux territoriales d’un pays, à condition bien sûr de ne pas affecter la paix, l’ordre, la sécurité et l’environnement de celui-ci. En réalité, certains pays exigent que les bateaux étrangers demandent une autorisation avant d’entrer dans leur mer territoriale. C’est notamment le cas pour les navires de guerre étrangers. Il est à noter que le droit de passage sans dommage n’est pas appliqué à l’espace aérien situé au-dessus de la mer territoriale. Pour l’espace aérien, l’autorisation est obligatoire et incontournable.    

En se basant sur ce statut juridique, le professeur-docteur Hoàng Viêt, de la Faculté de Droits de Ho Chi Minh-ville, estime que la zone maritime située à l’intérieur de la « ligne de langue de bœuf » ne peut pas être considérée comme faisant partie de la mer territoriale de la Chine: “S’il s’agit de la mer territoriale, on ne devrait pas pouvoir la traverser sans que cela ne pose problème. En principe, les navires de guerre doivent demander l’autorisation. Pareil pour les avions, s’ils veulent pouvoir survoler cette zone. Mais depuis la publication officielle par la Chine de la carte comprenant la « ligne de langue de bœuf », ni les navires militaires, ni les avions n’ont eu besoin de demander une autorisation. Il ne s’agit ni d’une mer territoriale, ni des eaux intérieures de la Chine. Alors à quoi correspond cette zone selon le droit international? La Chine semble incapable de s’expliquer à ce sujet.”

Pour revendiquer une « dimension historique », la Chine doit pouvoir démontrer qu’elle a occupé, géré et contrôlé la zone maritime située à l’intérieur de la « ligne de langue de bœuf » de façon réelle, pacifique et continuelle pendant une longue période. Difficile quand tant et tant de documents attestent que l’île de Hainan constitue l’extrémité méridionale de la Chine. Parmi ces documents, il faut citer le livre de géographie du canton de Qiong Zhou et le livre de géographie de la province de Guangdong, publié en 1731. Il faut également mentionner la carte géographique générale de la Cour impériale de Chine, publiée en 1894. En outre, dans le manuel scolaire de géographie de Chine publié en 1906, il est écrit, à la page 241, que “l’extrêmité Sud de la Chine est la côte du district de Ya relevant de l’île de Qiong Zhou à 18o13’ de latitude Nord.

Selon Fan Huang Jun, chercheur indépendant, spécialiste de l’histoire et de la géographie chinoise, depuis la dynastie des Han jusqu’à celle des Qing, il existe des livres d’histoire authentiques. Et aucun de mentionne les deux archipels de Hoàng Sa et de Truong Sa. C’est un point qui nous permet de comprendre que la Chine ne les a jamais considérés comme faisant partie de son territoire. Les décrets royaux ou les requêtes faites par les mandarins de la Cour royale attestent également que les limites administratives de la Chine étaient établies au district de Ya, canton de Qiong Zhou, c’est à dire sur l’île de Hainan.

Les cartes territoriales de la Chine établies et expliquées par les étrangers à la même époque corroborent également cette version des faits.   

Dans les documents qu’elle produit actuellement, la Chine affirme que des pêcheurs chinois se seraient rendus sur les îles de la zone maritime située à l’intérieur de la « ligne de langue de bœuf », et en fait prétexte pour faire valoir une souveraineté ancienne. Certes, des pêcheurs se sont bien rendus dans la zone en question, mais ils agissaient en leur nom propre, et en aucun cas au nom de la Chine. Leur présence dans ces eaux ne correspond donc en rien au principe d’occupation réelle tel que l’entendent la loi et les pratiques internationales. De plus, à la même époque, des pêcheurs, mais surtout des émissaires royaux vietnamiens, étaient en activité dans la zone. Beaucoup d’anciens livres chinois font d’ailleurs état de la présence de pêcheurs et de commerçants arabes, indiens, malais et vietnamiens. Mais aucun ne parle de la mer Orientale comme d’un “bassin de la Chine”.

Il est clair que faute d’arguments juridiques convaincants, la Chine ne peut définir de coordonnées précises et qu’elle ne peut que rester dans le vague quant à la nature de la « ligne de langue de bœuf » et au régime juridique de la zone maritime située à l’intérieur de ladite ligne.

Le professeur Marvin Ott, de l’Université Johns Hopkins, note quant à lui qu’aucune organisation juridique internationale de prestige extra-chinoise ne considère les prétentions chinoises sur la mer Orientale avec la « ligne en neuf traits » comme une déclaration sérieuse.

Selon Marvin Ott, la déclaration de souveraineté chinoise est essentiellement basée sur l’histoire. Mais le droit international la juge inacceptable. Toute déclaration de souveraineté doit se baser sur le droit international. Et la Chine ne peut vraiment pas le faire. Elle a admis la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer en l’adoptant. Ainsi, elle doit en observer les conditions, les termes et les exigences. Et cette Convention ne reconnaît pas des déclarations de souveraineté de ce genre.

La Chine revendique sa souveraineté en envoyant ses forces navales, en arraisonnant des bâteaux de pêche et en installant des bases militaires dans la zone disputée, faute de pouvoir y faire éclater son bon droit en s’appuyant sur le droit international.    

“L’argument historique”, “la souveraineté historique” que la Chine évoque souvent pour justifier sa « ligne de langue de bœuf » sont sans fondement scientifique. Ils ne sont que le fruit d’une ambition dévorante, faisant fi du droit international.

Pour ce qui est de la deuxième question - quels sont les points de vue des pays voisins et de ceux ayant des intérêts dans cette zone maritime sur la prétendue “ligne de langue de boeuf” de la Chine? - nous l’aborderons dans le 3ème article: “La communauté internationale n’a jamais reconnu la ligne de langue de boeuf”.

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