Les neuf marches d’escalier des Tày et des Nùng

(VOVWORLD) - Comme d’autres minorités ethniques vivant en montagne, les Tày et les Nùng, deux communautés culturellement très proches, habitent dans des maisons sur pilotis. Ce qui les distingue des autres est l’escalier de la maison, qui comprend neuf marches.

Les neuf marches d’escalier des Tày et des Nùng - ảnh 1Chez les Tày, le nombre de marches d'un escalier est obligatoirement impair, soit 7 soit 9. Photo: VOV

La maison sur pilotis est indéniablement une invention ingénieuse, qui permet aux peuples montagnards de se protéger des bêtes fauves et des reptiles dangereux, tout en se créant un logement aéré. Un escalier en bois relie la terre au plancher de la maison, comme nous l’indique Gia Van Vu, un Tày domicilié à Cho Dôn, dans la province septentrionale de Bac Kan.

«Nos ancêtres nous ont appris à installer un escalier dont le nombre de marches est obligatoirement impair, soit 7 soit 9. Les escaliers dont le nombre de marches est pair seraient en effet de nature à attirer les fantômes», explique-t-il.

Dans la croyance populaire des Tày et des Nùng, la personne qui utilise le plus l’escalier dans la famille est la femme ou la mère. Et comme les personnes du sexe féminin sont représentées par le chiffre 9, il est fréquent de trouver des escaliers à neuf marches dans les maisons Tày et Nùng.

Les neuf marches d’escalier des Tày et des Nùng - ảnh 2L’escalier peut être installé à gauche ou à droite de la maison. Photo: VOV

L’escalier peut être installé à gauche ou à droite de la maison, en fonction de l’endroit où celle-ci est érigée. Il est fait en bois solide et dispose de deux mains courantes dont l’extrémité accédant au plancher est polie. Cet ouvrage est entré dans les comptines populaires des Tày et des Nùng qui, en recevant un hôte chez eux, aiment à chanter ces vers «Ne laissez pas la mousse envahir les marches» ou «Ne laissez pas la main courante moisir»…

Les neuf marches de l’escalier témoignent également du processus de développement d’un enfant, qui commence par ramper, puis s’appuyer sur la main courante, puis se tenir debout pour finalement marcher… L’escalier le voit grandir, surmonter les obstacles pour devenir un adulte. L’escalier voit aussi la fille quitter son cocon pour partir faire sa vie avec son mari, comme le dit si bien Duong Sach, un chercheur en culture folklorique.

«Le jour du mariage, le moment où la fille quitte sa famille pour rejoindre celle de son mari est appelé dans le langage Tày et Nùng ‘descente de l’escalier’. À ce moment-là, ses grands-parents, ses parents et ses proches viennent soutenir l’escalier pour qu’elle descende. C’est leur façon d’accompagner ses premiers pas vers la vie conjugale. Les neuf marches de l’escalier sont autant de témoins d’amour…», note-t-il.

En plus de servir au déplacement des habitants, l’escalier joue également un rôle important dans la vie spirituelle des Tày et des Nùng. Ces derniers estiment qu’une personne est composée de deux parties: le corps et l’âme, qui n’est pas compacte. Quelques fois, une ou plusieurs parties de l’âme quittent le corps pour vagabonder au ciel. La personne devient alors malade. Pour la guérir, il n’y a pas d’autre façon que de recourir à un chaman pour faire revenir les parties de l’âme manquantes. Le chaman conduira alors une cérémonie mettant en avant un escalier symbolique, dont le nombre de marches correspond à celui des parties de l’âme. Le chercheur Duong Sach nous en dit plus.

«Lors de la cérémonie, le chaman utilise la partie dure au centre de la feuille de bananier pour confectionner un escalier symbolique, par lequel son armée votive montera au ciel pour faire rentrer les parties de l’âme qui ont quitté le corps. Sur les marches de cet escalier, sont accrochés des pièces de monnaie votive et sur ses mains courantes, sont plantés des effigies humaines et des drapeaux en papier couleur. Ces objets servent à rémunérer l’armée votive chargée de protéger l’escalier de l’âme», précise-t-il.

Au fil du temps, les Tày et les Nùng ont rénové leur maison sur pilotis pour la rendre plus confortable, tout en gardant les traits qui participent de leur identité. L’escalier à neuf marches en est l’un des plus marquants.

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